LE JOURNAL.AFRICA

#Turashoboye : « Je serai une femme médecin ! »

Février 1983. Dans la salle de théâtre du Collège du Saint-Esprit, du beau monde est rassemblé : la famille, les officiels, les invités des universités amies de l’Université du Burundi pour une cérémonie des plus particulières. « Il faut suivre les directives : saluer puis poser pour la photo mais avant tout, il faut que je gravisse les marches sans encombre », se répète Marcelline en appréhendant le moment qui va suivre. Retour sur les premiers pas de la femme burundaise en médecine.

Rumuri, avant d’être l’Université du Burundi, était l’Université Officielle de Bujumbura ou UOB. Depuis sa création jusqu’en 1976, la faculté de médecine à l’époque formait les étudiants sur un cursus de 3 ou 2 ans puis les envoyait respectivement en Belgique ou en France pour compléter leurs études. Seulement deux femmes alors avaient pu réussir le cursus de deux ans et continuer leurs études en France. Mais par après, les étudiants ont suivi tout le cursus universitaire à l’Université du Burundi.

Ce matin de février 1983, la toute première promotion de médecins formés au pays faisait la fierté de la nation.  « Après les jurys cliniques, la soutenance de ma thèse en décembre 1982 était un moment d’euphorie. Voir les membres du jury vêtus de leurs toges était très impressionnant. Mais là, c’est au-delà des mots. Major de ma promotion, j’allais avoir le privilège de recevoir le tout premier diplôme de la faculté de médecine et pas de n’importe qui. Des mains du président Bagaza lui-même, devenant ainsi la deuxième femme médecin du Burundi. »

Seule femme dans une promotion de 13 étudiants, Dr Marceline Ntakibirora n’a jamais prêté attention aux dissuasions. Les gens l’encourageaient, admirant son courage et sa détermination à faire une filière de longue durée.

Tout part d’une vocation. Pour Dr Evelyne, la vocation était présente depuis la deuxième année du cycle supérieur au secondaire. Au moment d’entamer son cursus universitaire, la médecine était une évidence et son choix s’est opéré sur une université privée pour éviter les grèves, les années à rallonge dans le public. L’année académique 1999-2000, l’Université du Burundi sortait 21 lauréats en médecine dont 4 femmes médecins tandis que l’Université de Ngozi ouvrait ses portes à Evelyne et ses camarades. La toute première promotion à terminer la médecine dans l’année académique 2005-2006 comptait 6 femmes contre 16 hommes. 

Un parcours semé d’embûches

Dr Evelyne est convaincue : « Combiner carrière et vie de famille demande une maturité. Cette maturité est nécessaire les premières années pour ne pas se laisser distraire. Une fois mariée, il faut être mûre pour pouvoir jongler entre les deux. » Les longues nuits passées à réviser, les gardes parfois interminables. « J’assurais les gardes et les permanences au bloc, enceinte de 8 mois. J’ai vite repris le travail après mon accouchement »,  se souvient Dr Renilde, médecin spécialiste. Le soutien de l’entourage est indispensable. Même s’il y a des obstacles et des détracteurs, il faut travailler dur. « C’est par son travail et son assiduité qu’on s’impose. »

« Nta mukobwa yiga imyaka indwi », sont des mots que Césarine a entendu souvent. Dr Césarine Nishimwe est fraîchement diplômée de l’Université Espoir d’Afrique depuis 2019 et à la tête de l’Association des Femmes Médecins du Burundi. « Je voulais absolument devenir une femme médecin. » Elle se souvient combien c’était dur de convaincre sa mère de la laisser faire la médecine. Lors de ses études, stages et une fois dans la vie professionnelle, les commentaires comme « les femmes sont distraites par beaucoup de choses » « Tu n’as pas trouvé de mari » « Désolé, pour ce poste, nous avons besoin d’un homme » étaient et sont encore bien présents. Un long chemin nous reste encore à faire.

Les femmes en quelques chiffres

Aujourd’hui nous avons déjà eu 4 femmes ministres de la Santé. Nous avons 2 femmes directrices de province sanitaire contre 16 hommes nommés le 24 janvier 2020. Un total de 167 femmes et 405 hommes sont sortis médecins de l’Université de Ngozi. 

À l’Université Espoir d’Afrique, un total de 110 femmes médecins contre 273 hommes médecins ; 643 femmes contre 1339 hommes dans toutes les 9 facultés du domaine de la santé de 2010 à 2020. Dans le cadre du projet Niche Burundi/240, l’audit genre réalisé au sein des trois facultés de médecine pointait le manque de femmes doyennes de ces facultés. Depuis leurs créations, seulement une, à l’université espoir d’Afrique, a été doyenne de la faculté et aucune aux universités de Ngozi et du Burundi.

 

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