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Non, Mesdames, je ne participerai pas à votre petite fête

Le 8 mars, loin d’être une journée de revendication des droits des femmes, au Burundi, c’est aujourd’hui devenu une mode, une vulgaire fête commerciale.

Je vous vois venir…Rhôoo !!! Cette Lylia, quelle rabat-joie ! 

Cela a d’abord commencé, une semaine avant the D day par la création d’un groupe Whatsapp, où il était question de choisir le dress code. La question cruciale n’était nulle autre que : « Tuzokwambara iki basha ? Igitenge ou bien ? » Et les réponses rivalisaient d’ingéniosité. On hésitait, réfléchissait, débattait, se crêpait presque le chignon sur le comment du pourquoi d’une mode aussi ringarde que igitenge, tenue que sûrement, à coup sûr, toutes les Burundaises, d’ici et d’ailleurs auront choisi. « Oya basha nta Cotebu twokwambara », cru bon de protester Mila. On s’imagine d’ailleurs la moue qu’elle faisait en rédigeant le message. Non, il fallait être originale, unique, avant-gardiste, « why not mettre du rose corail, avec une jupe, ou un jean blanc, hein ? », suggéra la lumineuse Titi. Rose corail ! (J’ai dû aller chercher cette couleur sur Google). On était toutes d’accord, afin…presque. Et puis, c’est jolie ça, rose corail. Ça fait chic, in, branchée. Topissime, MAGNIFIQUE. (Lire Magnifaïque).

La seconde question, primordiale celle-là, concernait le lieu du rendez-vous : « Restaurant ou bar ? » – Noooon, jamais !, répondit-on en cœur. Tu rigoles ou quoi ? En rose corail, hors de question de poser nos postérieurs sur de vulgaires chaises en plastiques, d’un bar miteux. Non, mais, un peu de bon sens Euphrasie ! Le choix fut donc porté sur un restaurant chic-bonbon, dont je tairai le nom, digne des créatures que nous sommes, qu’il accueillera.

Soyons des porte-voix

Vous l’aurez compris, nulle part, dans ce qui précède, il est question de réflexion, de revendications, de manifestations, ou que sais-je encore, en rapport avec la lutte pour les droits de la femme. Il est vrai que chez nous, il n’est pas bon de manifester, sauf contre les Abakoroni, et autres ennemis de la nation souveraine que nous tentons, tant bien que mal de…soit, ce n’est pas le sujet du jour. Mais, en participant ainsi à cette mascarade qu’est devenue cette journée, ne risquons nous pas de lui enlever justement tout son sens ?

Justement, vous allez me demander, quel sens donner à une telle journée dans une société où la femme, hormis dans l’agriculture, est sous représentée dans tous les domaines de la vie active : santé, fonction publique, armée, police, médias, politique, pour ne citer que ceux-là. 

Que célébrer au juste, lorsque plus de 52% de la population ne peuvent prétendre à l’héritage, lorsqu’une grande partie de ces femmes n’ont pas accès à certains besoins élémentaires tels des serviettes hygiéniques, contraceptives, etc. ?

Ce n’est pas un t-shirt rose corail ou en gitenge et une bière entre copines qui fera de cette journée, un jour spécial. Ce n’est pas non plus parce que tante Paholina est sortie le jour du 8 mars, que cela va empêcher son mari, en rentrant de lui mettre deux claques, car cette dernière n’a pas ramené la totalité de son salaire du mois dernier. Ce n’est pas non plus parce qu’on se sera bourrée la gueule et déhanchée comme des déesses de la nuit, qu’on amènera notre gouvernement à prendre une décision quant à la détaxation des serviettes hygiéniques ou voter enfin cette loi sur la succession de la femme… Non. 

Non, je ne participerai pas à cette petite fête aujourd’hui. Je n’ai rien à célébrer.

 

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