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#ThePoliticianWeWant : Butihinda, l’or ou rien

Nichée dans les montagnes, Butihinda est une immense commune de la province Muyinga qui a construit sa vie autour d’un bien précieux : l’or.  

De passage à Muyinga, la curiosité de découvrir l’or à l’état brut me fait arborer les routes de la commune Butihinda. C’est sur la RN6 vers Kobero. Un splendide marais rizicole vert et plant comme un beau tapis sépare les communes Muyinga et Butihinda. L’endroit s’appelle « i Boda », en référence à la proximité avec le poste frontalier burundo-tanzanienne. 

Dès l’entrée à Butihinda par la porte de Kobero, de belles bâtisses attirent mon regard. Je fais un petit stop et fais connaissance avec Edelbert, un jeune de 29 ans. On se croirait à Kiriri ou Gasekebuye, ces quartiers huppés de Bujumbura. Le complexe hôtelier Palais de Nazareth et les trois hôtels « Zion » attirent mon regard. « Ici, pendant quelques années, l’exploitation de l’or a boosté la petite cité », me révèle Edelbert, un docker au poste frontalier de Kobero. Volontiers, il accepta même de me faire visiter la commune sur sa grosse moto Sanili.

L’or est là mais la pauvreté demeure

Après une déviation de la RN6, à droite, nous arpentons vers Kamaramagambo. La route est montante, en terre battue, taillée à même la montagne. À 17 km de Kobero, Kamaramagambo apparaît sous nos yeux comme une minuscule île au milieu des espaces non-cultivables troués en peu partout. L’opulence dans laquelle baignait Kamaramagambo vers les années 2013 n’est plus. Les belles maisons sont là, mais en ruine. Plus de jeep 4X4 ni même d’électricité. Rien n’indique que ces cinq dernières années, cette zone fut la plaque tournante du commerce de l’or. 

Edelbert ayant trouvé Jean-Marie, un orpailleur de longue date, il nous amène sur la colline Masaka, fief de l’or. « Wow, c’est ça l’or ? Ce petit minuscule brin qui coûte des millions ? », je m’étonne. Malgré la présence de cet or, Jean-Marie m’explique que la plupart des habitants ne profitent pas de cette manne, et vivent toujours dans la misère. « J’aimerais avoir un dirigeant qui nous accorde encore le droit d’exploiter les mines et qui n’est pas corruptible comme certains dirigeants actuels, afin de nous faire sortir de cette pauvreté, un dirigeant qui nous fera profiter des dividendes de l’or en nous faisant parvenir au moins l’électricité et l’eau propre des forages », exprime Jean Marie, 28 ans,avec conviction.

L’éducation, victime de la ruée vers l’or

Sur le chemin du retour, on profite pour prendre un verre dans un bar, à Gahararo. Annuarite vient nous tenir compagnie. Du haut de ses 18 ans, elle est serveuse dans ce bar. Ce jour-là, le bar est quasiment vide. Une occasion de dialoguer avec elle. Pour elle, l’orpaillage est un mal qui a pris l’avenir de plusieurs jeunes dans cette commune. « Le taux d’abandon scolaire pour l’orpaillage clandestin est très élevé. Plusieurs élèves et écoliers abandonnent l’école pour l’orpaillage de même que les filles pour se marier précocement à ces orpailleurs », confie Annuarite, avant d’ajouter qu’elle est déjà veuve à ses 18 ans. 

André, un élève de 17 ans qui nous a longuement écoutés, réplique sans mâcher les mots : « Entre les bancs de l’école avec le chômage grandissant et les tunnels gorgés de pépites d’or malgré les risques sur la santé et les accidents dans les mines, le calcul économique est vite fait ». Selon lui, si le Burundi ne trouve pas en 2020 des dirigeants qui s’investissent sérieusement à réduire le taux de chômage des jeunes et le taux de pauvreté à Butihinda, lui aussi abandonnera l’école pour le travail dans les mines.

À bas l’intolérance politique

En rentrant, je passe à côté du centre de santé de Butihinda, Edelbert s’arrête pour saluer son ami Solange, 22 ans, qui y travaille comme infirmière. Edelbert n’a pas eu le chaud des embrassades, car Solange suturait deux jeunes gens qui se sont battus dans des échauffourées politiques. 

« La méfiance et l’intolérance politique sont légion chez nous et si tu tapes l’intolérance politique à Butihinda sur Google, tu verras combien nombreux sont les articles qui en parlent », m’explique Solange. Pour 2020, elle aimerait avoir un dirigeant qui comprend que chaque Burundais est libre d’adhérer au parti de son choix, un dirigeant qui comprend qu’il est révolu le temps de la pensée unique et qu’ avoir une opinion politique différente ne fait pas de l’autre un ennemi. Sur ces mots, on se dit au revoir, et hop, chemin retour.

La commune Butihinda est l’une des sept communes de la province Muyinga. Elle est délimitée au Nord par la commune Giteranyi et Bwambarangwe, au Sud par la commune Gasorwe, à l’Est par la commune Muyinga et à l’Ouest par la commune Gashoho et Gitobe de Kirundo. Son étendu est de 293.60 km², et la densité moyenne est de 319 habitants/km². D’après les résultats du dernier recensement, sa population s’éleverait à 93 718 habitants, éparpillés dans 4 zones et 30 collines. Cette commune est beaucoup plus connue pour son sous-sol riche en or et héberge le poste frontalier de Kobero plus influent dans le commerce transfrontalier. La population vit de l’orpaillage, de l’agriculture et du commerce transfrontalier.

 

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