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Muyinga : apogée et déclin des orpailleurs locaux

Le 27 février 2019, une délégation ministérielle et des hauts cadres de l’État ont sommé les orpailleurs locaux à Butihinda de ne plus tenter d’exploiter leurs anciens sites annexés par la société African Mining Burundi. Pour mieux appréhender l’origine de ce bras de fer, coup de projecteur sur la vie de ces orpailleurs.

Butihinda. On se croirait à Kiriri ou Gasekebuye, ces quartiers huppés de Bujumbura. Pourtant, nous sommes à Muyinga. Même pas au chef-lieu de la province, mais plus loin, tout près de la frontière burundo-tanzanienne. De belles bâtisses accrochent le regard. Pour mieux comprendre un tel eldorado dans un coin rural, revenons vers les années 2010. À cette époque-là, l’exploitation artisanale de l’or boostait la petite cité.

Il était une fois….

Nous sommes en 2010. Selon Antoine (pseudo), membre de la coopérative minière «Komeza ibikorwa duterimbere», un kilogramme d’or coûtait autour de 62 millions de FBU. La moyenne des recettes annuelles pour chaque association pouvait dépasser un milliard de nos francs et le gain d’un membre d’une coopérative pouvait atteindre les 10 millions de FBU tous les trois jours.

Déscolarisés, sans l’œil trop regardant du gouvernement, ces orpailleurs encaissaient des sommes hallucinantes. De belles villas poussaient comme des champignons. Des carrosseries flambantes inondaient la route non macadamisée de Kamaramagambo. Pour Marc, ancien orpailleur, «le petit déjeuner se prenait à Ngozi et pour un simple rhume, il n’était pas question de l’hôpital de Giteranyi tout proche, mais des cabinets privés à Bujumbura ». Des filles de joie d’un peu partout y migrèrent. Les affaires allaient bon train. La polygamie prenait de l’essor. Malheur aux enseignants et infirmiers du coin quand ces orpailleurs les croisaient dans un bar. Le slogan était : « Uwataye umwanya ninde ?» (qui est celui qui a perdu son temps ?), et les gens scandaient en retour « Uwize amashure » (celui qui a étudié). Ils roulaient (littéralement) sur l’or.

Et puis, un jour…

Septembre 2018. Le conseil national de sécurité suspend les activités des coopératives minières. Raison : les fonds ne sont pas tous rapatriés à la banque centrale. Les choses changent. Une nouvelle société s’y installe sous l’égide du gouvernement. Butihinda devient triste. La colère et le désespoir commencent à se lire sur leurs visages. Et bientôt, la misère.

Mars 2019. Ces orpailleurs sont encore au chômage. L’espoir de retourner dans les mines, s’amenuise. La rancœur est là, tenace. La vie de luxe des orpailleurs bascule et ils n’en font pas un secret : « La pauvreté est extrême, car l’extraction de l’or était notre seul gagne-pain. Même le sol longtemps exploité a été ravagé, donc impropre à l’agriculture. Si cette interdiction persiste, nos familles vont bientôt mourir de faim ». Désargentés, ils commencent à vendre leurs maisons et n’ont plus de voitures. Le mercure qu’ils utilisaient dans les mines a mis leur santé en péril, et certains sont devenus des hôtes habituels de l’hôpital de Giteranyi. Le ras-le-bol est général et ils revendiquent avec fermeté la reprise des travaux. Ce que le gouvernement n’entend pas de cette oreille.

Rappelons que cette délégation a fait le déplacement après que le président de la coopérative «Komeza ibikorwa duterimbere» ait adressé le 8 janvier, une lettre au ministre des mines, lui signifiant qu’un soulèvement risque de s’installer si leurs revendications n’étaient pas prises en compte.

 

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