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Buja Sans Tabou, jour 6 : quand le temps et le silence deviennent des armes à double tranchant

Pour son sixième jour, le festival Buja Sans Tabou a voulu, non pas parler de l’histoire des quartiers de Bujumbura comme les jours précédents, mais faire un voyage dans le temps à travers deux pièces : Mister Time et Point Zéro.

16h30. À l’IFB, où doit se jouer la première pièce de la journée « Mister Time », les férus de théâtre viennent un à un. Le ciel ombrageux qui plane sur Bujumbura en ce samedi après-midi n’y est pas pour faciliter les choses. 17h, ouverture des rideaux. Mister time in the place ! La pièce, écrite et mise en scène par le dramaturge burkinabé Noël Minougou donne à première vue l’impression d’une pièce qui va être jouée dans la langue de Shakespeare. Elle s’ouvre avec un comédien qui tente de se débattre tout en donnant l’air de beaucoup réfléchir. Quelque chose taraude son esprit et il n’est pas tranquille.

Jouée par quatre comédiens burkinabés, dont le fameux « Mister Time », cette pièce mélange gestes et paroles, mais cette fois-ci avec plus de « physique ». Il faut dire qu’ils ont sur un chantier. En effet « Mister Time », qui dit vivre dans le futur, voudrait, avec l’aide de ses amis, concocter une programmation automatique qui le ferait voyager dans le temps jusqu’en cette date fatidique de 1987 pour pouvoir rencontrer son idole : Thomas Sankara. Car aujourd’hui, « l’amour est mort ; la paix est devenue monotonie suicidaire ; le monde énerve, il ne tourne plus, il marche sur sa tête », dit-il. 

Il lui faut donc sortir de ces 33 ans d’emprisonnement avec une justice endormie, une jeunesse laissée à elle-même, pouvoir fermer la porte de 2020 et ouvrir celle de 1987,  juste 10 minutes avant que Sankara ne prononce son discours « sanglant » d’Addis pour l’en dissuader. Car voyez-vous, son idole a été assassiné juste trois mois après le fameux discours ! Et ce voyage, c’est surtout pour éviter cela et réaliser son rêve de jeune étudiant, celui de voir « un jeune, sage, un modèle de courage pouvoir conduire aux destinées du pays ». Et d’en appeler à l’effacement du présent, à la « reconvocation » du patriotisme et des principes de la révolution pour retrouver entre autres la fierté, la dignité, l’honnêteté car « si ta vie est meilleure aujourd’hui, saches que quelqu’un s’est sacrifié pour toi !». Un appel à rendre justice au sacrifice de Sankara car « lui a joué sa partition et le destin l’a voulu ainsi, à nous de jouer la nôtre » !

« La vie, c’est le temps, le temps, c’est la vie »

« Regarde-moi ! Me reconnais-tu ? Ça te rappelle quoi ? », lancent en cœur les acteurs de la pièce « Point Zero » à l’endroit du public. Personne ne répond ! Surprise ou emporté par cette froideur post-pluviale alors que les acteurs eux pataugent sur un terrain boueux ? Non. En fait, c’est le « je vois et je me tais » à l’image de cette catin qui côtoie du jour au lendemain diverses personnes y compris des politiques. Ceux-ci parlent de tout et même de leurs plans macabres. Elle entend mais décide de ne rien dire parce qu’ « elle fait juste son boulot » et la colère dans l’âme, elle affiche le plus grand des sourires. Cela car il y a comme une intronisation du silence comme roi, le silence chez les gouvernés et les gouvernants. Tout est sous silencieux : téléphones, boites de nuit (silent disco), radio…et même les structures étatiques sont silencieuses !

Mais ce soir, les acteurs  de la pièce écrite par Claudia Munyengabe décident eux de briser ce silence. Car au-delà de la soumission, la résignation ou encore la résilience « nous subissons parce qu’il n’y a pas d’action et que ceux qui devaient agir regardent le peuple se débattre ». Vint alors cette question : « Et si la guerre éclatait ? Pas la guerre classique mais une guerre de paix et de repos, une guerre qui ne tue pas » ! Entre fuite, refuge, commerce ou plutôt trafic d’armes ou encore se faire passer pour un malade mental, ils égrènent un à un ce qui serait leur attitude si la guerre éclatait. Mais enfin de compte, la mort finira par se pointer. Et quoi de mieux que « souhaiter une mort silencieuse à ses proches car celle-ci est magnifique : mourir pour son frère, sa sœur, ses amis… ». Mais mourir pour soi-même ?

Les acteurs mettent alors les mots sur ces maux qui hantent notre société : réformes dans l’éducation, l’entrepreneuriat, l’amour, la prostitution, la perte de notre identité culturelle. 

Mais à l’image de la catin qui disait se taire car sa vie était finie, il y a toujours de l’espoir. En effet, elle s’appelle Aïcha et Aïcha peut aussi devenir « Maïcha », la vie. « La vie, c’est l’espoir et nous espérons car nous vivons ».

 

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