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Le Burundi et ses égouts à ciel ouvert : il est temps qu’on porte plainte

Bujumbura, Gitega : les deux capitales du Burundi. Une pour l’économie, au bord de lac, suffocante de chaleur, une autre pour la politique, hivernale, dans le centre du pays. Aucun point commun entre les deux… ah, si ! Ces p*** d’égouts béants !

La (més)aventure a de quoi faire sourire. Sauf pour celui qui en est la victime. Il est 19h du soir dans la nouvelle capitale politique du Burundi, le froid commence à s’inviter dans les pulls inefficaces de ceux qui vont passer la nuit dans la région. Je raccompagne à l’hôtel un collègue qui ne se sent pas bien (l’air du pays exacerbe son rhume).

Arrivés à Shatanya devant l’auberge où il a loué une chambre (c’est un des quartiers à avoir été récemment dotés de nouvelles routes semi-goudronnées), je sors de la voiture pour prendre sa place (il était au volant et je dois ramener la voiture à un endroit où il y a un parking sécurisé).

Tout autour de moi règne une pénombre qui ne doit inquiéter en aucune mesure les services administratifs de Gitega, contrairement à Bujumbura où on a obligé chaque ménage d’éclairer devant chez lui, à défaut d’avoir un éclairage public. Donc, difficile de voir à plus de deux mètres, ni par terre. Qu’à cela ne tienne, je suis dans une route goudronnée, aucune inquiétude.

Au moment où j’ouvre la portière et pose mon pied par terre, je n’ai pas le temps de faire un deuxième pas que je me sens aspiré. Deux secondes plus tard, je me retrouve au fond d’un trou, dans un noir complet, pataugeant dans des eaux visqueuses et respirant une odeur asphyxiante. Mon cerveau ne réalise pas encore ce qui vient de m’arriver, puis, après cinq secondes d’hébétude, je me rends compte que je suis au fond d’un égout de presque trois mètres de profondeur, les bras en feu, mon téléphone clignotant faiblement au loin, dans une conduite perpendiculaire.

Mais, où passent ces gens qui passent leur temps à nous taxer ?

Une heure plus tard, je suis à l’hôpital en train de faire soigner mes deux bras écorchés à vif, regardant sur la table mon téléphone qui n’a pas survécu à la chute. Un souvenir remonte à la surface : il n’y a pas deux ans, à Bujumbura, je discutais tout en marchant avec un ami sur l’Avenue du Commerce (la route qui passe devant la boulangerie chez Trianon) et deux secondes plus tard, il disparaissait dans un égout, sans avoir même eu le temps de finir sa blague. Résultat de la course : une jambe pétée.

Je peste : mais on vit dans quel pays ? Un pays où un trou béant au milieu de la chaussée peut faire une année sans interpeller qui que ce soit ! Je ne vais pas parler de Bujumbura, où ces bouches d’égouts toujours ouvertes, couplés aux rues à l’agonie et à l’absence d’éclairage public (ou même de p*** de toilettes publiques) te poussent à te demander si l’administration a rendu le tablier ou si les services municipaux ne servent qu’à taxer les gens pour aller remplir les poches de quelques personnes.

Non, je vais pour le moment parler de la nouvelle capitale politique qui, une année plus tard, semble adopter les mêmes tares que l’ancienne. L’infirmier qui me soigne me signale au moins trois égouts à ciel ouvert à sa connaissance. Il me dit que j’ai eu de la chance, d’autres en sortent dans un état plus grave. À cette profondeur, un enfant n’aurait pas survécu. Il parle d’un miracle. Mais moi je suis en rage. Je veux porter plainte. Mais contre qui ? La commune de Gitega ? L’entreprise qui a construit les routes et qui serait partie sans refermer ces égouts ? Dois-je m’en prendre à ma malchance ? Je ravale ma colère. Je passe toute la nuit à pester et traiter de tous les noms chaque responsable qui me vient à l’esprit. Ce sera mon unique consolation, avec cette formule pour faire rire mes amis : après l’homme des cavernes, l’homme des égouts. À défaut d’en pleurer…

Signé : Tortue Ninja.

 

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