Les réalités et configurations politiques au Burundi précoloniale ne commencent pas avec Ntare Rushatsi comme d’aucuns pourraient le penser. Avant lui, d’autres rois ou plutôt roitelets ont régné sur des petites principautés disparates. Retour sur cette partie de l’histoire méconnue par les jeunes et moins jeunes.
L’unification monarchique du Burundi par Ntare Rushatsi ou l’établissement de la dynastie ganwa ne peut pas faire oublier l’existence antérieure d’entités politiques mettant en jeu l’histoire ancienne de plusieurs grands lignages. Les recherches déjà faites sur le sujet sont là pour l’attester. Le seul hic, impossible de dire « quand ». La tradition orale, longtemps seule source de l’histoire, y est peut-être pour quelque chose.
Ainsi par exemple, comme on peut le lire dans l’ouvrage Peuples et Rois de l’Afrique des Lacs, la région de Muramvya était le domaine de Bakono dont le chef le plus célèbre serait Muhire. Au sud, le Nkoma formait le domaine des Bajiji. Dans la région de Bututsi, régnaient les Bahanza et les Babanda que le chef Nsoro aurait soumis par une politique de mariage avec les filles prises dans les deux clans. Dans les régions centrales (région de Burunga), il y aurait eu un certain Nyaburunga (Uburundi bwa Nyaburunga).
Les régions du nord et du nord-est formaient également des entités politiques dont la tradition a conservé certains chefs. Le Nkiko-Mugamba est associé au nom de Rwambarwa Sampungwe, le Buyenzi à celui de Ntare Karemera, le Bugesera et le Bweru à ceux de Nsoro et de Fumbije.
Des recherches corroborées par d’autres, à quelques différences près
Les travaux publiés par Jean Vansina montrent qu’avant le XVI siècle, la dynastie Ganwa qui donna naissance à la monarchie burundaise n’existait pas. Au contraire, ce sont d’autres dynasties qui dirigeaient le Burundi. Mais en réalité, de cette époque obscure des anciens rois, il ne reste que dans la mémoire des gens que des évocations très sommaires. C’est ce qu’on peut lire dans Histoire du Burundi, des origines à la fin du XIXe siècle.
En effet, parmi les chefs de ces anciennes lignées, la tradition a retenu comme principaux : Ruhaga, Ntwero, Nsoro et Jabwe.
La légende parle notamment de « l’empire de Ruhaga ». Ce dernier étant le plus célèbre roi de la période pré-ganwa. Toujours selon Vansina, qui cite les vieux interrogés lors de ses enquêtes, Ruhaga régnait sur un territoire englobant le Burundi, le Buha et le Bushubi.
Véritable empire, sa capitale aurait été à Banga au Burundi. La tradition a conservé un mauvais souvenir de l’époque de Ruhaga dont il est dit qu’il maltraitait la population et confisquait ses biens.
Des informations à prendre avec prudence
Le même Ruhaga dans les trois royaumes ? « L’information est à prendre avec des pincettes », avertit Émile Mworoha. Il se demande si Ruhaga aurait régné sur les trois royaumes ou s’il s’agit de plusieurs princes avec le même nom. Par exemple, avance l’historien octogénaire, lorsque Ntare Rushatsi vint du Buha pour conquérir le Burundi, on dit qu’il avait été élevé chez sa tante et dont le mari, roi du Buha, s’appelait Ruhaga. De retour au Burundi, il est question d’un autre Ruhaga que Ntare détrôna.
Le foyer du rayonnement de ce Ruhaga semblerait se situer dans une bande de territoire qui englobe le nord du Buha, les régions de Buyogoma et du Kirimiro et le Mugamba central au Burundi.
Toutefois, reconnaît Mworoha, même s’il est difficile de confirmer qu’il s’agit du même Ruhaga dans les trois royaumes, il y a un fait qui semble faire l’unanimité et sur lequel toutes les traditions convergent : c’est l’élimination de Ruhaga par Ntare Rushatsi, fondateur de la monarchie burundaise. On y reviendra.