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Pourquoi les Bujumburois·e·s aiment tant les lignes au parking

Des grands bus ont été mis en circulation intra muros dans la capitale économique. Pourtant, les fameuses files persistent. Les raisons sont autant multiples que surprenantes.

Un -petit- pas toutes les deux minutes, Sandra N. va prendre le bus de Gasenyi qui se trouve à quelques cent cinquante mètres. Cette trentenaire est assistante de direction dans une boite spécialisée dans le design d’intérieur. La petite entreprise « se cherche encore ». Elle ne pourvoit pas des salaires à se payer un taxi tous les jours. « Ce n’est même pas grave », juge la jeune femme.

Pour elle, « après une longue journée de travail, rien de mieux que les files indiennes en attendant un bus ». Le regard zen, elle vante les vertus contre le stress que procure cet exercice. En voyant des nuages noirs précurseurs d’une forte pluie poindre sur les hauteurs de Bujumbura rural, elle expire, comme en transe : « On dirait une partie de yoga. Tout ça nous ramène en contact avec nous -même et Mère-nature ».

Rencontrée sur la ligne de Kanyosha, Déborah K. ne tarit pas en éloges quant aux bienfaits de ce qu’elle qualifie de « précieuses dizaines de minutes ». Elle appuie son argumentation sur sa propre histoire. 

Elle était, jusqu’il y a peu, en couple avec un jeune homme qui tardait à la demander en mariage. Fatiguée de poireauter, elle sort alors le grand jeu. « Il fallait absolument que je rencontre un mec sérieux qui va m’épouser », révèle Déborah. Son jules qui fait trop dans le syndrome de Ngagara est mis donc hors-jeu.

La native de Ken city joue les iconoclastes et drague carrément. En vain. « Un beau jour, j’ai rencontré un gars beau comme un dieu qui attendait aussi le bus. Les deux heures que nous avons passé à attendre en causant ont suffi pour que le feeling passe », glisse-t-elle, émue avant d’ajouter, fermement : « Ces files, c’est plus efficace que Tinder ».

À la recherche de la burunditude perdue

Sous d’autres cieux, il serait traité de communautariste, de facho. Un peu à la Zemmour, Adrien P., trouve que le phénomène de ces gens qui passent des heures sur le parking est lié à un concept pas courant : la burunditude. « Un  Burundais pure souche a le sens du dialogue. Passer un temps avec un prochain, fut-il un inconnu, c’est tout à fait normal ». 

C’est un fait, les anthropologues, ça court pas les rues à Bujumbura. En revanche ceux qui pensent le Burundi, ils sont légion. À l’instar de Adrien, Louis M. pense également que ceux qui traitent « cette bonne attitude typiquement burundaise et assumée » de signe d’un manque de planification de la mairie sur le plan du transport en commun n’ont rien compris de l’âme du Murundi.  

« Je me sens Burundais après un bon bain de soleil », confie d’ailleurs Wilson, un mannequin en herbe. Celui qui passe normalement une demi-heure pour prendre place dans une Hiace d’un autre âge en rentrant chez lui à Kamenge se dit même accro à ce que lui et sa bande nomment soleilduparkingthéraphie.   

Bref, faire bronzette sur la ligne, ça n’a jamais tué personne.

Kayaga est  une chronique qui scrute les faits sociétaux, politiques, économiques du Burundi sous un angle humoristique. Les articles qui sont publiés dans Kayaga n’ont d’autre visée que de pe(a)nser notre pays en passant par le second degré.

 

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