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L’éducation à la burundaise encouragerait-elle le viol conjugal ?

Un texte paru dernièrement sur Yaga appelait à lever l’omerta sur les viols conjugaux au Burundi. Faut-il seulement en parler, ou nous interroger sur leur raison d’être ? Notre culture, en appelant à garder secrètes ces réalités affreuses qui se passent dans les ménages, porte-t-elle en elle les germes de ce mal ?

Que ce soit à Bujumbura ou à l’intérieur du pays, c’est par de petites remarques, de petits conseils, chuchotés à même l’oreille de la future jeune mariée, par les tantes, les cousines, sans oublier la marraine qui parlent avec expérience : « Ne te refuse jamais  à ton mari, quelle que soit ton humeur, que tu en aies envie ou pas, sinon il ira voir ailleurs! ». A première vue, c’est un conseil judicieux, qui part d’un bon sentiment. Il s’agit dans tous les cas d’aider la jeune femme à bien tenir son homme, ou son foyer plutôt. Quelle femme voudrait donc voir son mari aller voir ailleurs, par sa faute, alors qu’elle aurait pu l’éviter ?  

Cependant, si on met ça dans la tête d’une jeune fille, novice à ce niveau, elle prendra ce conseil pour une obligation, un devoir qu’elle devra accomplir, et ne saura sans doute jamais que les relations conjugales, c’est avant tout du plaisir que l’on se donne et partage avec sa moitié. Par ailleurs, rares sont ceux qui chuchotent à l’oreille du jeune marié qu’il faut y aller mollo avec sa future femme, qu’il faut avant tout écouter les désirs de sa dulcinée et savoir attendre lorsqu’elle n’est d’humeur, ou n’est pas en forme.  

Un cas parmi tant d’autres

Alice, quelques jours après avoir accouché, son mari lui a demandé de faire les rapports sexuels, alors qu’elle n’était pas encore bien remise. En bonne épouse qui applique à la lettre les conseils de ses tantes, elle n’a pas osé dire non à son homme. Il s’en est suivi évidemment une déchirure qui l’a reconduite à l’hôpital, alors qu’ils auraient pu patienter quelques semaines. 

Selon un gynécologue, il est conseillé de reprendre une activité sexuelle trois semaines, voire un mois après l’accouchement. Mais combien d’hommes attendent cette période ?

Bien que fréquents, ces cas ne sont pas enregistrés dans les hôpitaux, car les victimes n’en parlent pas et/ou ne se présentent pas à l’hôpital. Elles se dirigent parfois vers le service social, les psychologues, qui sont d’ailleurs très peu dans les hôpitaux. « Quand elles viennent en consultation, ces femmes victimes de viols, parce qu’il faut le dire comme tel, demandent des conseils sur ces rapports douloureux. On donne des conseils également à leurs maris lorsqu’ils les accompagnent. On leur recommande de s’abstenir pendant la convalescence, et de ne pas aller voir ailleurs en attendant la cicatrisation complète », explique un psychologue.

Éduquer pour éradiquer

Pourtant, certains couples essaient de parler de consentement. Annick et Prosper ont trouvé la bonne méthode. Ils ont leur petit code, et affirment ne pas dépasser la ligne rouge. « Lorsqu’elle met des sous-vêtements coquins par exemple ou moi quand j’écoute un certain genre de musique, je sais que c’est ok. Mais quand elle porte des sous-vêtements amples, je sais que ce n’est pas le bon moment et je ne force pas », avoue Prosper. 

Et pour arriver à respecter l’intégrité morale et physique du partenaire, il faut de l’éducation. L’éducation pour l’homme, qu’il sache que sa femme n’est pas sa chose, son objet sexuel. Mais aussi, l’éducation pour la femme, qu’on lui apprenne à dire : « Non ». Et pour cela, notre culture doit être épurée de certains adages comme : « Niko zubakwa » .

 

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