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Burundi : le « menu secret » de ces hôtels qui attire la clientèle

Rencontre avec ces jeunes étudiantes de l’intérieur du pays qui se sont converties en call-girl pour gagner de l’argent.

Mon travail quotidien me permet de voyager ici et là. Cela m’a fait visiter presque tous les coins proches et reculés du pays. Comme d’habitude, pour se rassurer qu’on va bien passer la nuit dans cette localité, la première chose à faire est d’aller réserver un hôtel. Les hôtels des chefs-lieux des provinces attirent plus de clients que ceux des communes. Bien sûr, il y a des communes qui n’ont pas d’hôtels. Ceux qui en ont, parfois n’ont ni l’électricité ni la connexion internet. Ces deux facteurs (électricité et internet) sont déterminants pour attirer la clientèle. 

Durant l’été qui vient de s’écouler, j’ai vécu sur l’adage stipulant qu’il « Vaut mieux vivre un jour comme un lion que vivre mille ans comme une hyène ». Je fréquentais alors des hôtels plus ou moins luxueux des chefs-lieux des provinces. Je vous partage l’expérience que j’ai eue dans certaines provinces du Burundi.

Un menu en robes

Ce jour-là, je viens du terrain, loin du chef-lieu de la province, abattu et assoiffé. Ma première pensée est d’aller directement dans ma chambre pour me reposer, mais cela n’a pas été possible, car je dois finaliser un rapport et l’envoyer dans cette même soirée. Je rejoins donc la salle de séjour de l’hôtel. Je sirote doucement ma bière en suivant l’information continue sur France 24 à la télé. Puis je m’assoupis. Quelques minutes plus tard, le réceptionniste responsable d’hôtel m’approche et me réveille : « Chef, vous êtes abattu, mais si vous le désirez, je peux vous amener une personne qui peut vous faire du bien. ».  Grande surprise. Le sommeil me quitte. Le sourire aux lèvres, j’accepte.

Ce dernier fait deux pas en arrière et prend son smartphone. Il commence à me montrer les photos des filles à choisir selon mes préférences. J’en choisis une, il clique sur la photo, l’appel est lancé. Dans moins d’une heure, la fille est déjà à la réception comme si elle vivait tout près de l’hôtel. Le réceptionniste me la présente et me dit : « Vous pouvez faire n’importe quoi pour votre bien ». La fille, très chic, sexy, m’envoûte déjà avec des mots doux.

Un deal bien rodé

Au bout d’une demi-heure d’échange, elle m’accompagne dans la chambre juste pour un « massage ». Je lui propose au contraire de discuter. L’occasion pour elle de me parler de sa vie.

Claudia* a 23 ans, orpheline de père, sa maman vend des fruits au marché. Elle travaille dans cet hôtel du centre du pays depuis trois ans. Elle était auparavant une simple serveuse à ce même bar. Vu qu’elle ne parvenait pas à satisfaire ses besoins (frais académique, ration familiale, scolarité de ses frères et sœurs), elle s’est enregistrée sur la liste des jeunes filles qui viennent « faire du bien » aux clients. « Dire que je suis prostituée, ça serait un déshonneur pour moi et ma famille. Je préfère le faire clandestinement de cette façon. Car cela reste un secret entre le responsable d’hôtel, le client et moi », confie-t-elle. « On envoie nos plus belles photos au responsable d’hôtel pour qu’un client choisisse selon son goût. Une fois sélectionnée, on nous appelle pour venir dans l’immédiat, étant toujours aux alentours de cet hôtel. » Et d’ajouter : « Les clients de cet hôtel sont des gens aisés et viennent souvent pour plusieurs jours.. On se fait pas mal d’argent, il y a même une part réservée à l’hôtel qui nous offre cette ‘‘opportunité’’ ».

Les revers de la médaille 

Ces jeunes filles qui sont dans ce business rencontrent différents problèmes surtout quand le stealthing  s’invite au cours de leurs « boulots ». Ange* et Bella*, jeunes filles de respectivement 24 et 25 ans, l’une de Gitega et l’autre de Rumonge, sont toutes deux mères d’enfants de pères inconnus. « Lorsqu’on est dans la chambre et qu’on veut faire des rapports sexuels, le port du préservatif est obligatoire. Mais vers la fin, on trouve souvent que nos partenaires l’ont enlevé. Et bonjour, les grossesses non-désirées, les MST… Certaines d’entre nous sont déjà séropositives », raconte Bella.

Piqué au vif, j’ai approché un responsable d’un de ces hôtels. Il sait que ce qu’ils font est illégal. Et il se dédouane dans ces termes : « J’ai voyagé dans d’autres pays de la sous-région, ce genre de business dans les hôtels existe et ça attire les clients. Les conséquences qui s’en suivent ne nous concernent pas. Que ce soient les clients, les jeunes filles, tous sont majeurs. Ils savent ce qu’ils font donc ils doivent se protéger », affirme-t-il. 

Je n’ai pas trouvé de réplique à cela. J’ai remis une somme de 15 000 à Claudia tout en lui souhaitant toute la bonne chance du monde.

*les noms ont été modifiés pour des raisons d’anonymat

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