LE JOURNAL.AFRICA
Analyse

Les sirènes d’une intégration à tout vent

L’intégration régionale est un des atouts de développement pour un pays. Cependant, s’il n’est pas capable de mesurer l’importance stratégique de regagner telle ou telle autre organisation d’intégration, non seulement le pays n’en tire rien, mais il se retrouve au statut de boulet et est réduit au rôle ridiculisant de figurant.

Tout est parti d’un billet de Serge Le Griot publié par Yaga le 12 septembre 2019 intitulé : « Que manque-t-il au Burundi pour intégrer la SADC ?». Ce monsieur, d’une plume absolument exquise, a bien cerné le langage policé des diplomates. Il a ensuite mis en exergue les raisons qui se cacheraient derrière le camouflet infligé au pays de Ntare Rugamba. Je m’en voudrais de ne pas reprendre ici un ou deux propos qui ont retenu mon attention. « Mis à part ces discours diplomatiquement corrects des chefs d’État membre de la SADC, la vérité est que cette dernière ne voudrait pas d’un parasite en intégrant un pays qui au vu de sa situation actuelle n’a pas grand-chose à lui apporter à part des problèmes ».

Plus loin, il souligne qu’il est donc tout à fait prudent pour la SADC de ramener à plus tard cette intégration pour éviter d’être liée au chaos politique, économique et social qui pourrait résulter de la tenue de ces élections, dans le pire des cas. Jusqu’ici, j’étais tout à fait d’accord avec lui. La SADC ne veut pas servir de paillasson encore moins de souffre-douleur.

‘‘In cauda venenum’’   

Comme l’a dit l’autre, c’est dans la queue où il y a le venin. Ce qui m’a fait tiquer, c’est quand Monsieur Serge se met à gloser sur l’intérêt du Burundi à intégrer la SADC. Soit M. Serge est soit tombé dans un optimisme béat, soit il vit sur la planète Mars. Certes le Burundi a besoin de cette intégration pour se défaire des quotas, des droits de douane et avoir un accès libre au marché intra-africain et international sous couvert (sic !) par la SADC.  

Mais l’auteur a omis de signaler au passage que le Burundi appartient déjà à d’autres organisations régionales, en l’occurrence l’EAC, EEAC, COMESA, etc. Il oublie de se poser une autre question qui avait élu domicile sur Yaga : « Le Burundi profite-t-il de l’EAC au même titre que les autres États membres? » On n’appartient pas à une organisation pour se faire prendre en photo, ni pour encaisser les perdiems évidement. 

Appartenir à une organisation d’intégration a un coût 

À mon humble avis, il aurait dû ajouter un petit « Pourquoi » au début de cette question précédente, car posée ainsi, la réponse est tellement évidente. Par ailleurs, appartenir à une organisation a un coût financier. On donne et on prend. Si on n’est pas foutu de tirer profit de l’EAC plus proche, est-ce le Zimbabwe et ses cohortes de malheurs, l’Afrique du Sud avec sa xénophobie lampante qui vont sauver notre peau ?

Par ailleurs, le pays membre doit s’acquitter des cotisations qui peuvent être lourdes – et très souvent payées en dollars qui manquent cruellement au Burundi -. L’EAC coûte au pays plus de 8 millions USD par an. Au taux actuel du marché noir, c’est plus de 25 milliards de Fbu. Imaginez ce que le pays paierait s’il appartenait à 10 organisations à ce prix ! Cela peut aller jusqu’à 10% de son budget qui était de 1200 milliards de Fbu en 2019. Pour un pays qui vit un marasme économique tel que le nôtre, il faut éviter d’éparpiller les efforts financiers, politiques, diplomatiques, etc. Le coût est aussi politique dans la mesure où appartenir à une organisation équivaut à céder une partie de sa souverainetés.

Le piège d’appartenir à plusieurs organisations d’intégration 

Appartenir à une organisation, c’est défendre ses valeurs et ses intérêts. Or, il arrive que les intérêts des organisations d’intégration divergent. Que ferait le Burundi si un jour, l’EAC s’opposait à la SADC pour une raison ou une autre ? Cela s’appelle en Français facile être ‘’entre le marteau et l’enclume’’ ou tout au moins ‘‘être pris entre deux feux’’ et ce n’est pas une position très enviable.  

Il faut choisir et bien choisir l’organisation à laquelle on veut appartenir. M. Serge dit que le Burundi pourrait profiter des  »largesses » de la RDC en intégrant la SADC. Mais ces deux pays appartiennent déjà à une autre organisation commune, à savoir la CEPGL. N’est-ce pas déshabiller Saint Paul pour habiller Saint Pierre ? Ne faudrait-il pas plutôt remettre la CEPGL sur les rails au lieu d’aller vendre ses charmes à ceux qui, de toute évidence, ne veulent pas du pays  »de lait et de miel » chez eux.

 

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