À l’occasion de la commémoration de la journée internationale de l’alphabétisation, la question de la qualité de l’éducation se pose toujours avec acuité. Et l’Université du Burundi n’est pas épargnée. Coup de projecteur sur le contraste entre les prouesses de ses anciens lauréats et les défis actuels de l’unique université publique du pays.
Ils ont étudié à l’Université du Burundi, le « grenier du savoir » et ils ont fait des prouesses et continuent d’en faire. Ils, ce sont des anciens étudiants de « Rumuri ». Et sûrement qu’ils sont nombreux mais contentons-nous ici de trois exemples, les uns plus récents que les autres.
Commençons par la récente distinction du professeur Léonce Ndikumana. Celui dont les travaux sont connus dans le monde a eu sa licence dans la Faculté des sciences économiques de l’université du Burundi en 1986 avant de s’envoler poursuivre ses études chez l’Oncle Sam. Avant et après lui, d’autres sont allés voir ailleurs. Et l’un d’entre eux, le professeur Libérat Ntibashirakandi a été élevé au titre de « Chevalier de l’Ordre de Léopold » grâce à ses travaux. Actuellement enseignant à l’Université Libre de Bruxelles, il avait quitté l’université du Burundi en 1991 pour poursuivre sa formation doctorale à l’université d’Anvers.
C’est sans oublier Gérard Niyondiko. À la suite de sa formation à l’université du Burundi, il est allé poursuivre ses études au Burkina Faso et s’est distingué en découvrant avec son collègue le savon antipaludéen, avec des prix à la clé.
Autant d’exemples, et c’est loin d’être exhaustif, qui prouvent à quel point notre université a rayonné grâce à ses anciens étudiants.
Mais ça, c’était avant !
Actuellement, cette mère des institutions universitaires au Burundi accuse pas mal de défis. Du mois en termes de qualité de l’éducation. Et par les temps qui courent, cela va de mal en pis. Vous nous excuserez si vous trouvez que nous exagérons, mais le dernier communiqué sorti par l’un des représentants des étudiants nous donne raison. La maîtrise du français, un défi parmi beaucoup d’autres laisse à désirer. De l’exiguïté et/ou de l’inexistence des salles de classes – si vous ne nous croyez toujours pas, faites un saut au campus Mutanga le matin au début des cours et constatez par vous-même -, à l’insuffisance des enseignants en passant par l’inadéquation formation/emploi, les défis de Rumuri n’ont jamais été aussi interpellant.
« Madame la recherche », elle, n’en parlons même pas. Se heurtant à un problème criant de moyens alloués pour elle, elle fait cruellement défaut.
Les racines du mal
Le système éducatif burundais boîte, souffre. Les spécialistes s’accordent pour dire que la question est fondamentalement structurelle quoique des intrusions conjoncturelles ne soient pas à éloigner. Désiré Manirakiza, sociologue et enseignant d’Universités pense à une panoplie de facteurs qui ronge la qualité de l’enseignement à l’Université du Burundi : le faible investissement dans la recherche et les conditions de travail moins favorisants pour les enseignants.
« (…) les enseignants ne bénéficient pas de formations continues, ne sont pas recyclés, faute de moyens et/ou de volonté ». Par ailleurs, continue le sociologue, « Rumuri est concurrencé par les universités privées locales et régionales, qui prennent tous les meilleurs élèves. Victime de successives années blanches, l’Université du Burundi tente avec peine de respecter son calendrier académique et n’accueille, par conséquent, que des élèves dont les origines modestes les condamnent à attendre une année durant à la maison avant la rentrée. Or, on sait que, par le passé, les lycées et autres écoles connus pour leur qualité de formation (St Esprit, Vugizo, SOS, International, etc.) fournissaient leurs meilleurs élèves à Rumuri, une situation hélas bien lointaine ».
Sur un autre plan, « certains étudiants finissent l’Université sans jamais avoir lu un seul ouvrage, quand bien même ils sont dans des domaines qui exigent une compétence littéraire », ajoute le sociologue. Bourrer les connaissances aux étudiants comme on remplit les vases vides est révolu. Les étudiants sont appelés à participer à leur propre formation.
Dans cette réflexion, le psychopédagogue Pr Ndayisaba pense que « les étudiants actuels, déçus par le fait que le diplôme ne donne plus accès au sésame, sont fascinés par d’autres raccourcis. L’enseignement supérieur est pris comme un passe-temps ». Et d’ajouter : « Nous avons la qualité que nous méritons ». Repenser l’enseignement du français, en mettant en place des séances de mise à niveau consacrées aux langues d’enseignements, est ce que propose par ailleurs l’historien Dr Jean Marie Nduwayo.
Ancienne pépinière des cadres compétents et compétitifs, les étudiants de l’université du Burundi sont entre le marteau des conditions d’études et l’enclume des horizons manifestement bouchés. La situation est heureusement encore récupérable, et les observateurs avisés convergent sur deux points : des étudiants qui lisent ainsi qu’une volonté politique ferme suffiraient à redresser la tendance.