Lourds de sens et de symbole, disposant d’importants atouts mémoriels, les monuments et « places publiques » ornent plusieurs endroits de la ville de Bujumbura. Mais, pour autant, le sens, l’époque et le contexte de leur implantation ne sont pas toujours connus du grand public. Éclairage de l’historien Émile Mworoha.
Le Monument du soldat inconnu
Construit en 1973, le monument du soldat inconnu a un rapport avec les événements de 1972. Situé en haut de la Cathédrale Regina Mundi, sur la route qui mène à Musaga, c’est là que le capitaine Kinyomvyi, garde du corps du président Micombero, fut assassiné le 29 avril 1972. Parti en éclaireur pour le compte de Micombero qui devait participer à une soirée dansante organisée au Mess des Officiers de Bujumbura, il aurait été pris pour Micombero. Un monument dit du soldat inconnu (comme dans d’autres pays), sera donc érigé à la même place et sera dédié à tous les soldats morts sur le champ de bataille.
La Place de la « Révolution »
Non loin de la Banque de la République du Burundi, encadrée par le ministère de la Justice et de celui de l’Intérieur, la place de la Révolution s’inscrit dans le contexte de la fin de la monarchie. Détrônant le jeune roi Charles Ndizeye dit Ntare V, le 28 novembre 1966, le capitaine Micombero dans ce qu’il appellera « révolution » instituera la « Première République ».
Qui plus est, le monument implanté (avec le geste des trois doigts tendus en l’air pour signifier la devise « Unité, travail, progrès », une devise qui finira par être la devise nationale) dans cette place n’est pas sans rappeler le parti UPRONA, reconnu parti unique par un arrêté royal cinq jours avant la « révolution ».
La Place de l’Indépendance
Symbole de la fin de l’époque coloniale, « bordée par les rues de l’indépendance, de la liberté et du commerce » la place de l’Indépendance s’appelait avant l’indépendance du Burundi « Place Eugene Youngers » du nom de ce Belge qui fut gouverneur du Ruanda-Urundi et vice-gouverneur du Congo. Il fut aussi gouverneur général du Congo Belge et du Ruanda-Urundi. Il faudra attendre le lendemain de la proclamation de l’indépendance pour que la place ait le nom qu’elle porte aujourd’hui. Cette place connaîtra des aménagements au fil des années.
Notons qu’avant la fin de la colonisation (permettons-nous une petite parenthèse), la chaussée prince Louis Rwagasore que nous connaissons aujourd’hui était appelée « Chaussée Reine Astride », du nom de la femme du roi Albert Ier de Belgique.
Le Monument de l’Unité
Avec sa forme d’un fagot (umuganda), symbole de l’unité, le monument de l’Unité nationale, situé au mont Vugizo (Kiriri) fut construit en 1991- 92 pour symboliser l’unité entre Burundais. Il s’inscrit dans la suite des événements de Ntega-Maranagara (1988) qui déboucheront sur la mise en place de la commission chargée d’étudier la question de l’Unité Nationale. La Commission proposera plusieurs recommandations au gouvernement de l’Unité nationale, entre autres la charte de l’unité nationale adoptée par voie référendaire le 5 février 1991. Depuis, le Burundi célèbre chaque 5 février la fête de l’unité nationale et des gerbes de fleurs sont posées à ce monument, symbole de l’unité.
Comme à Bujumbura, il faut noter que de tels monuments (de l’unité) sont présents sur tous les chefs-lieux de toutes les communes du pays.