Les cérémonies d’ouverture et de lancement des activités du Congrès National pour la liberté, nouveau parti de l’ancien chef rebelle Agathon Rwasa, n’ont pas eu lieu ce 3 mars 2019 comme prévu. Le maire de la ville de Bujumbura n’a pas donné son accord, « pour des raisons sécuritaires ». Quel message envoyé à l’opposition en exil ?
Qu’il y ait des gens qui veuillent profiter d’une activité politique pour causer le désordre, c’est tout à fait possible. Ils pourraient être des militants du Congrès
National pour la liberté (CNL) lui-même, ou ceux des autres partis qui ne voient pas d’un bon œil la naissance d’un parti concurrent.
Mais peu importe l’identité de ceux qui auraient voulu causer le désordre, je ne crois pas qu’ils soient plus forts que les forces de l’ordre. Je suis donc convaincu que la bonne décision du maire de la ville ne devait pas être d’empêcher les activités politiques du CNL, mais de renforcer sa sécurité. Ce serait d’autant plus facile : la mairie utiliserait les informations qu’elle a sur les perturbateurs pour les empêcher de nuire. Les arguments du maire de la ville n’ont donc pas été très convaincants.
Le premier à ne pas être convaincu est Agathon Rwasa lui-même. Dans une conférence de presse, le vice-président de l’Assemblée nationale explique qu’il ne croit pas aux raisons sécuritaires invoquées par le maire de Bujumbura. Il pense plutôt que c’est une tentative du pouvoir d’empêcher les activités de son parti.
On ne veut pas que Rwasa montre qu’il est populaire /Un mauvais départ pour les élections de 2020
Mon hypothèse est donc qu’Agathon Rwasa et son nouveau parti font peur. Comme tout politicien, Agathon Rwasa allait probablement profiter du lancement du CNL pour faire une démonstration de force, en mobilisant le plus de militants possibles. Il y a donc des gens qui ne veulent pas que le monde sache qu’Agathon Rwasa est populaire, et qu’il est peut-être un candidat sérieux pour les élections de 2020. Ils font tout pour lui mettre les bâtons dans les roues.
L’une des conséquences d’empêcher le parti d’Agathon Rwasa d’exercer ses activités en toute liberté est que les Burundais qui sont en exil, y compris les politiciens, et qui ont quitté leur pays parce qu’ils ne s’y sentaient pas en liberté, risquent d’être découragés de rentrer. Les autorités ne cessent de dire que les choses ont changé, que le Burundi d’aujourd’hui n’est plus celui de 2015, qu’il est plus pacifique, etc. Ils ne cessent non plus d’encourager les politiciens qui sont en exil de rentrer pour se préparer pour les élections de 2020.
Mais pour que ce discours soit crédible, il faut que les paroles correspondent aux actes. Il faudrait d’abord montrer que ceux qui sont restés au Burundi jouissent pleinement de leur liberté politique pour que ceux qui sont en exil aient envie de revenir. Mais si Agathon Rwasa, dont le parti a des ministres au gouvernement, et des députés au parlement, ne peut pas faire la politique librement, quelles garanties ont ceux qui sont en exil sur la liberté de leurs activités s’ils rentraient? Aucune.