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POLITIQUE

«Qu’un jour le peuple burundais sera uni? Je veux bien parier dessus!»

Au lendemain de la célébration de la fête de l’Unité nationale, chaque Burundais, dans un coin de sa tête, essaie d’évaluer l’état de cette unité. Réalité ou utopie? Les avis divergent, mais le pessimisme domine. Cependant, certaines histoires personnelles montrent bien que ce n’est pas si utopique  que ça, pour ceux qui le croient. Parmi ces histoires, figure celle de Gérard.

Gérard N. est un jeune pasteur, d’une affabilité qui ne révélerait pas un passé lourd. Il est aussi marié et père d’une ravissante et jolie fille d’à peine deux mois. Mais de son mariage, on en parlera après. Il est Hutu. Ayant perdu sa mère encore enfant, il a grandi en connaissant bien ceux qui l’ont rendu orphelin si jeune. «Ces Tutsi mécréants ont tué ta mère!», lui disait-on. Il grandit alors avec une haine viscérale envers «ces gens». Des gens qui tuent une mère sans pitié? Même une once d’empathie, ils n’en méritent pas.

À chaque rentrée de classe, il avait un test qu’il pensait infaillible pour tout élève. Il s’arrangeait à ce qu’il arrive le premier, se mettait à la porte de la classe et regardait l’attitude de chaque élève envers lui. Ceux qui le saluaient, eux étaient automatiquement “Hutu”, les gentils avec qui il fallait tisser des liens d’amitié et à qui, s’il avait besoin d’un service, il fallait s’adresser. Et ceux qui ne le saluaient pas, c’étaient les méchants “Tutsi” qu’il fallait les éviter à tout prix et s’en méfier.

Ainsi, il avait sélectionné son groupe d’amis. Cette haine est alors exploitée par certains groupes de combattants ‘‘Hutu’’ tout en la nourrissant. Avec ses amis, ils font office d’espions et de messagers dans les camps où les soldats invitent les enfants. Ces derniers repartent avec des grenades et d’autres munitions dans leurs cartables d’écoliers. Ils allaient et venaient à leur guise. Qui fouillerait des enfants?

La «guérison»

Durant tout ce temps une dame est tout pour lui, la maman qu’il n’a jamais eue. Financièrement, elle ne lui aurait refusé que ce qu’elle n’avait pas. S’il fallait dire combien elle a été proche, lui prodiguant attention, affection et conseils, il faudrait prendre des heures avec lui. Gérard l’appelle volontiers “Mama”.

Coup de théâtre : la femme est “Tutsi”. Comment il l’a su? «Je l’entendais de la bouche des autres parce qu’il n’y a pas vraiment de signes indicateurs d’appartenance ethnique au Burundi. On se moquait de moi avec des ‘‘ Tu es stupide, comment peux-tu appeler maman une femme d’une ethnie différente de la tienne?’’. D’autre fois ‘Ooh elle vient de payer pour toi les frais de scolarité, elle est réellement ta maman, dis donc!’’. Et moi d’acquiescer ‘‘Pour sûr’’. Mais suivaient des petits chuchotements et moqueries.”

Les voies de Dieu sont impénétrables

Plus le temps passait, plus cela se confirmait. Cette femme était une vraie mère pour lui. “J’ai été réellement bouleversé car cela me poussait à revoir tout ce en quoi j’avais toujours cru. Avec le temps, je me sentais libéré et plus je devenais modéré, plus je rencontrais des “Tutsi”. Je me rendais compte que j’avais généralisé et pris toute une catégorie de gens dans le même sac. Tu sais…la généralisation est une mauvaise chose. Autant que l’ignorance. L’ignorance m’avait amené à idéaliser des personnes et à haïr les autres.”

Gérard finira par se marier avec une fille ‘‘Tutsi’’ avec qui il file l’amour parfait   malgré la réticence de sa famille. Certains ne l’ont pas encore digéré. Aujourd’hui, jovial, il célèbre encore la naissance de sa fille aînée.

Le témoignage de mon ami Gérard montre bien que cette unité est un rêve à notre portée. L’unité du peuple burundais, socle de cohésion nationale, indispensable pour le progrès de notre pays, ne doit pas être étouffée par ces stéréotypes et préjugés infondés et qu’on peut facilement transcender. Unis, nous travaillons efficacement et nous progresserons. Comme on dit, «dusenyere ku mugozi umwe, dukure amaboko mu mpuzu hama turabe ingene Uburundi bwacu butera imbere.»

 

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