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Entre académiciens et décideurs politiques, le dialogue est-il possible ?

Au cours des mois passés, l’Université du Burundi a abrité un nombre considérable d’événements, d’échanges sur des sujets divers et variés. En plus des initiatives estudiantines, nous avons eu la célébration de la journée de la francophonie, une conférence-débat sur la modernisation du Kirundi, etc. Cependant, concernant les thématiques de paix, les initiatives ne courent pas les auditoires, encore moins les travaux de recherche.

Pour Antea Paviotti, anthropologue et doctorante à l’IOB-Université d’Anvers, les concepts de guerre, de paix, de sociétés divisées, ont leur place dans le domaine de la recherche. Toute la question est de les définir afin «de donner directement l’idée du contexte et du type d’études que l’on est en train de faire».

Le contexte justement. Ce dernier influence l’adhésion de la population à des travaux de recherche sur une thématique comme celui des identités. «On se définit tout le temps, mais raconter cela à quelqu’un d’autre est une exposition difficile à faire dans le contexte actuel», concède-t-elle. Toutefois, des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête peuvent se révéler plutôt loquaces. Et le chercheur doit se demander s’il n’est pas en train de se faire manipuler, si la personne n’est pas animée d’une volonté de jeter un discrédit sur la version qu’une autre personne a pu livrer, ou si on n’est pas simplement en face d’un «bon client» qui donne volontiers des détails.

Un contexte politique tendu peut également entamer l’engouement des académiques à s’embarquer dans des travaux de recherche sur des thématiques de guerre ou d’après-guerre. «Le contexte fait l’homme», écrivait l’ancien footballeur Lilian Thuram. Ce n’est pas tout! Les travaux des chercheurs sont parfois perçus par les décideurs politiques comme étant compliqués à comprendre, puisque livrés dans un langage codé. Et l’académicien qui a abattu un travail rigoureux peut se sentir découragé d’engager une conversation avec les décideurs, puisque de toutes les façons ils risquent de ne pas saisir le message.

Faut-il laisser tomber?

Difficile donc, dans un tel climat d’établir un dialogue permanent entre le monde de la recherche et les décideurs politiques. Difficile, mais pas impossible. «Moi par exemple, je peux faire mon doctorat maintenant, mais comment est-ce que je vais utiliser cela? Est-ce qu’à côté de mon doctorat, je vais publier des ‘‘policy briefs’’, des articles sur un blog, des articles sur un aspect de ma recherche mais dans une revue académique? C’est ce que j’aime avec l’académique, il n’y a pas vraiment de carrière préétablie, et c’est à moi de choisir mon orientation», déclare Paviotti.

Tout ne serait donc qu’une question de choix.  Toujours est-il que, si le monde de la recherche veut réellement influencer, enrichir les débats en cours dans une société burundaise avant, pendant ou après des périodes de conflit, il doit consentir à «démocratiser les savoirs». Les résultats des travaux de recherche devraient être traduits en un langage facilement exploitable par les décideurs politiques, les médias, et le grand public. Ils devraient également être faciles d’accès au lieu d’être la chasse gardée des seules ONGs et instituts de recherche.

 

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