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ECONOMIE

Sur les traces des «Connaisseurs» de Bujumbura

En fin d’année, beaucoup des gens désirent changer de look: vêtements, souliers et autres accessoires. Pour cela, chacun se rend chez son «connaisseur» (jeunes commerçants spécialisés dans l’habillement). Un blogueur de Yaga a suivi deux connaisseurs. De Bujumbura à Kampala, le retour, le dédouanement… Enquête

Au Burundi, le taux de chômage augmente du jour au jour. Parmi ceux qui n’ont pas les moyens d’entreprendre et d’innover, certains trouvent refuge dans le commerce. Illettrés et universitaires se rencontrent tous dans le domaine de la « débrouillardise »  pour tenter de gagner leur vie. On les appellent « connaisseurs ». Des génies en matière de styles vestimentaires et autres business.

Claude n’a jamais été sur le banc de l’école et Désiré vient de boucler ses études universitaires en droit dans l’une des universités privées. Tous deux travaillent parallèlement dans l’une des galeries les plus réputées dans l’accoutrement et le maquillage, « le Parisien ». Leurs stocks sont faits  de nouveaux pantalons, t-shirts, et autres. «Avant, nous étions des simples détaillants, nous devions faire recours aux grossistes pour remplir nos stocks », confient-ils. À cette période, ils allaient se fournir au marché de Buyenzi à Ruvumera puis ils ont changé de tactique : «Nous avons constaté que les grossistes du marché de Ngozi sont les moins chers par rapport à ceux de Bujumbura ».

Cette stratégie n’a pas aussi abouti car dans cette galerie, il y a des gens qui ont de grands capitaux. Ces derniers font des commandes qui viennent directement d’Ouganda ou de la Chine. « Étant dans une même galerie, ça nous a été toujours difficile de les concurrencer car leurs prix sont plus bas », confient-ils. Pour pallier ce défi, les deux jeunes ont fusionné leurs capitaux et vont aujourd’hui à Kampala pour acheter les produits.

Bujumbura – Kampala, un marathon

Fabrice* et Annick*, deux connaisseurs réputés dans cette galerie. L’un est connu pour les vêtements pour hommes et l’autre est spécialisé dans l’accoutrement et maquillage des femmes. Ils ont été choisis par leurs pairs grâce à leur bonne maîtrise de l’anglais et du swahili. Il leur est ainsi facile de communiquer avec toute personne sur le territoire d’Afrique de l’Est. La veille du voyage, ils doivent passer dans tous les stands des commerçants de leur groupe pour prendre les commandes.

Le jour du voyage, ils se réveillent très tôt le matin. Ils prennent le bus Buja-Kanyaru à 7h, puis prennent un autre de Kanyaru-Kigali et enfin celui de Kigali-Kampala. 628Km, trois arrêts de 15min et deux postes frontaliers (Kanyaru et Gatuna). Ils arrivent à Kampala à 23h. Dans cette capitale ougandaise, on travaille 24h/24. Ils vont directement dans les marchés pour acheter tous leurs produits. À 6h du matin, ils terminent et embarquent leurs marchandises dans un camion remorque de deux containers. Un container pour Fabrice et Annick et un autre pour Elvis*, leur ami commerçant de Ngozi. Sans même dormir, ils reprennent la route pour Bujumbura en passant cette fois-ci par la Tanzanie. Cette trajectoire est courte par rapport au premier mais il est moins praticable. Ils se reposent rarement pendant ce parcours.

Un dédouanement inéquitable

Après trois jours de voyage, ils arrivent à Kobero (un poste frontalier du nord-est du Burundi). Le camion passe au poids puis au dédouanement des charges. Un container du même poids ne paye pas la même chose que le container de nos connaisseurs. Pourquoi? « Les commerçants grossistes de Ngozi ou de Gitega n’ont pas le même prix de dédouanement. Ils sont privilégiés par rapport à ceux de Bujumbura.’’, m’explique-t-on. Arrivés à Buja, ils passent directement à la livraison des marchandises.

Cela fait que les gens préfèrent aller acheter leurs vêtements et autres accessoires en ville car ils sont moins chers que ceux qu’on achète dans les petits marchés locaux. Les jeunes commerçants de ces derniers ont un problème de régulation des prix afin de concurrencer ceux du centre-ville de Bujumbura ou de Buyenzi. Ce qui fait que les « connaisseurs » soient devenus incontournables et que plusieurs jeunes burundais se convertissent à ce business.

*noms modifiés

 

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