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« On veut nos bourses ! »: au Gabon, les élèves dans la rue depuis trois jours

"Nous voulons avoir la bourse pour étudier à l’université, comme nos grands-frères, comme nos parents l’ont eue", s’insurge Simpson, 21 ans, en classe de terminale dans un lycée de Libreville.

"Même si demain j’obtiens la note de 20/20 au baccalauréat, je ne pourrai pas avoir la bourse. Je suis un fils de pauvre et mes parents comptaient sur cette bourse-là pour m’envoyer à l’université", détaille-t-il.

Fin mars, un projet de décret restreignant l’accès aux bourses universitaires pour les futurs étudiants gabonais a été entériné. Il fixe désormais à 19 ans l’âge maximum pour y avoir droit et exige au moins 12 de moyenne au bac.

Répondant à l’appel de plusieurs organisations lycéennes, des milliers de lycéens défilent depuis lundi dans les rues des principales villes du pays. Mercredi, ils s’étaient de nouveau donné rendez-vous devant leurs établissements.

Aux alentours de midi, plusieurs centaines de lycéens avaient convergé vers le quartier populaire de Nkembo, dans le centre de la capitale.

Sous un soleil de plomb, escortés par des policiers, ils tapent des mains et crient: "Nous sommes orphelins de bourse!", "Rendez-nous nos bourses!" ou encore "On veut nos bourses!".

127 euros par mois

En chemise blanche, et pantalon bleu ou vert, la multitude d’uniformes témoigne de l’étendue de la mobilisation.

"Sans cette bourse nous n’aurons plus les moyens d’aller à l’université, pour louer une chambre, pour acheter les fascicules, tout simplement pour subvenir à nos besoins d’étude", s’inquiète Samantha, 21 ans, en terminale.

Avant le décret, les étudiants gabonais ayant obtenu leur baccalauréat, pouvaient prétendre à une bourse universitaire d’un montant mensuel d’environ 83.000 francs CFA (127 euros).

"On nous demande d’avoir plus de 12/20, mais avant, regardons les conditions dans lesquelles nous étudions!", lance-t-elle.

"Dans mon lycée, les classes sont surchargées, il manque des livres, les enseignants sont très souvent absents, on a pas de laboratoire de physique", affirme un autre.

Lundi, le Premier ministre, Julien Nkogue Bekale, a défendu cette nouvelle mesure, invoquant notamment les difficultés économiques rencontrées par le Gabon depuis la chute des prix du pétrole en 2014.

"L’Etat et le gouvernement ne ménageront aucun effort pour attribuer les bourses à nos étudiants brillants, mais nous n’allons pas encourager la médiocrité", avait-il déclaré.

Selon les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur gabonais, 65% des admis au premier tour du baccalauréat en 2017 étaient âgés de vingt ans ou plus. La scolarité commence le plus souvent tard au Gabon et les redoublements y sont fréquents.

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"Qu’ils reculent !"

Dans la rue, les parents regardent d’un œil inquiet leurs enfants défiler. "J’ai interdit à ma fille de sortir. Mais c’est vrai que cette réforme ne plait à personne ici", explique Joël, 49 ans, père de quatre enfants.

"Lorsqu’ils invoquent des raisons financière, cela me met hors de moi. (…) Quand on sait, comment ils gèrent notre argent depuis des années, (qui) n’est pas redistribué, maintenant on doit se serrer la ceinture ?", s’indigne-t-il.

Pour Jean Ndong, un autre parent interrogé par l’AFP, la mesure a aussi du bon: "D’un côté, c’est une bonne chose que le gouvernement cherche à récompenser les plus méritants", estime-t-il. "De l’autre, c’est vraiment un coup dur pour les familles pauvres".

A Nkembo, où les jeunes manifestants sont de plus nombreux, la tension monte avec les forces de l’ordre. Les lycéens souhaitent aller vers le ministère de l’Education, pour interpeller le ministre.

La police tente de les disperser avec des tirs de gaz lacrymogène. La grande majorité se réfugie alors sur le parvis de l’église Saint-Michel.

A chaque passage du blindé d’où partent les tirs de gaz lacrymogènes, les militaires sont copieusement hués, des projectiles sont jetés dans leur direction.

"On marche pacifiquement et vous voyez comment ils nous traitent?", peste Nellia, une lycéenne de 20 ans, foulard noué sur le bas du visage.

"S’ils pensent nous intimider, on ne va pas s’arrêter, on reviendra demain s’il le faut. Il faut qu’ils reculent (…), qu’ils nous rendent nos bourses !".

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