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ART

Le génie du géant Frédéric Bruly Bouabré célébré à New York et à Paris

Depuis Les Magiciens de la Terre, l’Ivoirien Frédéric Bruly Bouabré est devenu l’artiste africain incontournable. Huit ans après sa mort, son œuvre est pour la première fois exposée au MoMA. En écho à l’exposition new-yorkaise, André Magnin, qui avait « découvert » Bouabré, lui rend hommage avec des dessins inédits dans sa galerie à Paris.

Certaines rencontres s’inscrivent dans l’Histoire. En 1988, à la recherche d’artistes pour l’exposition Les Magiciens de la Terre qui sera une sorte de chute du mur pour les artistes africains contemporains, l’historien d’art André Magnin a rencontré Frédéric Bruly Bouabré à Abidjan. À l’époque, personne ne connaissait vraiment cet artiste dont l’œuvre est actuellement exposée pour la première fois aux Etats-Unis. Magnin nous explique le côté unique de l’artiste ivoirien décédé en 2014, mais désormais mondialement célébré. Entretien.

RFI : Vous avez mis sur la scène internationale Frédéric Bruly Bouabré lors de l’exposition historique Les Magiciens de la Terre en 1989 au Centre Pompidou-Paris. Aujourd’hui, son œuvre est célébrée pour la première fois au prestigieux Museum of Modern Arts (MoMA) à New York. Quel mérite a mené cet artiste au sommet pas seulement de l’art contemporain africain, mais de l’art contemporain en général ?

André Magnin : Avant le décès de Frédéric Bruly Bouabré, nous avons pu publier, avec les éditions Xavier Barral, quatre tomes sur l’artiste. Dans cette édition de luxe, il a fait un dessin qui s’appelle Le géant touche le soleil. Ce géant qui touche au soleil, c’est Bruly Bouabré.

Sur quoi repose le génie de ce géant ?

Frédéric Bruly Bouabré a eu une vision divine le 11 mars 1948. Dieu s’est manifesté à lui à travers le soleil. À ce moment-là, il est à Dakar et travaille à la direction de l’Institut français d’Afrique noire (IFAN), créé par Théodor Monod [grand scientifique et explorateur français, NDLR]. À cette époque, Bouabré est pauvre, il n’a pas de montre. Quand il se rend à son travail le matin, lui, comme beaucoup d’Africains, se fie au soleil pour savoir, à la minute près, l’heure qu’il est. Ce 11 mars 1948, Bouabré regarde le soleil pour savoir s’il n’est pas en retard et il vit ce qu’il appelle « une manifestation divine ». Le soleil explose : il y a un soleil bleu qui sort et entoure un soleil blanc, puis apparait un soleil rouge, un soleil vert… les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Puis, tout revient dans le soleil mère qui est un soleil noir qui réexplose pour redevenir un soleil blanc. Cela a duré quelques minutes. Il l’a décrit parfaitement dans son livre La Loi divine.

« Divines marques sur la peau d’une orange », œuvre de Frédéric Bruly Bouabré exposée dans « On ne compte pas les étoiles », à la galerie Magnin-A, à Paris.
« Divines marques sur la peau d’une orange », œuvre de Frédéric Bruly Bouabré exposée dans « On ne compte pas les étoiles », à la galerie Magnin-A, à Paris. © Siegfried Forster / RFI

Depuis, Brouabré s’appelle Cheikh Nadro (« celui qui n’oublie pas »), le révélateur ?

Oui, et il a pour mission d’archiver les savoirs du monde, de pacifier le monde et de participer aux savoirs du monde. C’est ce qu’il a fait pendant toute sa vie. Il était un homme particulièrement illuminé et lumineux. Depuis 1949, il a produit 130 manuscrits d’anthropologie, d’ethnologie, de poésie, de contes, de mathématique, de philosophie, de religion… Tous ces 130 manuscrits composent sa grande œuvre. Bouabré voulait entrer au panthéon de Victor Hugo, c’était son obsession. Il savait qu’il avait de la grandeur, il connaissait son génie. Il savait qu’il avait une mission divine et qu’il allait passer sa vie à satisfaire Dieu.

À l’époque, le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny n’aide pas les écrivains. Il aide les chanteurs, les artistes, mais pas les écrivains. Et comme Bouabré écrivait, il n’arrivait pas à se faire entendre. En plus, il a contre lui des scientifiques, car il n’est pas d’accord avec certains universitaires. Bouabré tient son savoir dans son sang, sa chair, sa tradition. Les savoirs qu’il transmet sont des savoirs traditionnels. Pour lui, ils sont plus puissants que des savoirs universitaires. À la fin des années 1970, Bouabré, ne devenant pas écrivain au « panthéon de Victor Hugo », décide d’entrer au « panthéon de Picasso ». Il commence donc à faire tout ce qu’il a inventorié dans ses manuscrits à transposer sur de petits dessins. Ces petits dessins ne sont jamais « inventés », mais des «...   

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