Les autorités militaires ont décrété dimanche 29 mai la levée de l’état d’urgence imposé le 25 octobre lors du coup d’État qui avait mis fin à la transition démocratique amorcée à la chute d’Omar el-Béchir.
Avec notre correspondant à Khartoum, Eliott Brachet
Le décret de levé de l’état d’urgence a été signé de la main du général Burhane au lendemain d’une nouvelle journée de répression sanglante. Samedi, deux manifestants opposés au coup d’État ont été tués par les forces de l’ordre. Une violence dénoncée le jour même par le représentant de la mission de l’ONU à Khartoum, Volker Perthes. « Une fois encore, il est temps de lever l’état d’urgence et de trouver une solution pacifique à cette crise », avait-t-il déclaré.
La décision de la junte apparaît donc comme un geste d’apaisement vis-à-vis de la communauté internationale. Les putschistes qui ont perdu le soutien financier des bailleurs internationaux cherchent une issue après sept mois de marasme, avec une économie au bord du gouffre. Ils se disent prêts à participer aux tentatives de médiations chapeautées par l’ONU, l’Union africaine et l’Igad. Pour le moment, ces pourparlers qui entrent dans leur deuxième phase n’ont donné aucun résultat.
Ils sont d’ailleurs rejetés par une grande partie du mouvement révolutionnaire qui refuse un nouvel accord avec l’armée. Les comités de résistance estiment que la levée de l’état d’urgence est de la poudre aux yeux, pour tenter de calmer les esprits alors qu’ils ont annoncé cette semaine une escalade révolutionnaire pour commémorer les trois ans du massacre du 3 juin 2019 où plus de 130 personnes ont été tués alors que les généraux Burhane et Hemetti étaient déjà aux commandes du pays. Dès demain des manifestations sont annoncées dans la capitale.
■ Les prisonniers politiques seront-ils libérés ?
La junte qui s’était débarrassée de ses partenaires civils affirme désormais vouloir créer les conditions favorables au dialogue avec toutes les composantes politiques du pays. Les autorités promettent ainsi la libération des détenus politiques arrêtés sous le régime d’exception. Une décision accueillie avec scepticisme par les collectifs d’avocats qui luttent bénévolement depuis sept mois contre les détentions arbitraires.
Nous considérons que c’est de la poudre aux yeux. Jusqu’à présent il y a toujours des personnes détenues sous l’état d’exception. Par exemple, nous avons essayé d’aller libérer ceux qui ont été arrêtés samedi lors des manifestations à Kalakla. Ils sont détenus dans différents postes de police. Quand on a entendu la nouvelle de la levée de l’état d’urgence on est allé s’enquérir de leur situation. On nous a répondu qu’ils ne pouvaient pas être libérés car des ordres venaient d’un échelon supérieur. On attend de voir ce qui va se passer dans les jours qui viennent. Mais je ne crois pas que ça va changer quelque chose. C’est une stratégie pour la junte qui veut blanchir son image aux yeux du monde : ils lèvent l’état d’urgence pour alléger la pression internationale. Mais ça ne veut pas dire qu’ils vont cesser les arrestations. C’est la même chose que sous le régime d’Omar el-Béchir. Ils levaient l’état d’urgence, libéraient des prisonniers avant d’en mettre de nouveaux derrière les barreaux. Nous ne croyons pas que la situation des droits de l’homme va s’améliorer au Soudan.
Abdelsalam Saboune, avocat du comité d’urgence