Cela va bientôt faire deux semaines qu’un groupe de personnes âgées, en majorité des femmes, campe devant la Cour constitutionnelle sud-africaine. Ils sont un peu moins d’une centaine, et réclament que leur soient versées des réparations, suite aux violences qu’ils ont subies sous le régime de l’apartheid. Une action forte, dont cette association de victimes est une habituée, face au silence du gouvernement.
Avec notre correspondante à Johannesbourg, Claire Bargelès
On n’aperçoit presque plus Noma-Russia Bonase, cachée sous une montagne de couvertures. Mais le mauvais temps et le début de l’hiver austral n’ont pas découragé la meneuse du groupe à continuer son action. « Nous dormons sur des cartons, sur un sol en béton. Mais nous sommes des combattants pour la liberté, on a survécu aux balles de l’apartheid, donc on survivra aussi au froid », assure-t-elle.
Ces « gogos », le terme qui désigne les grand-mères du pays, appartiennent à l’organisation Khulumani. Elles ont toutes connu, comme Dansile Mabanga, les violences de l’apartheid : « À l’époque, mon frère a été enlevé chez lui. La police cherchait de jeunes garçons, et ils l’ont embarqué. Il a été porté disparu, puis on l’a retrouvé à la morgue. Son corps à moitié brûlé. »
La Commission Vérité et Réconciliation avait recommandé différents mécanismes pour assurer des réparations. Mais trop peu ont été appliqués selon Noma-Russia : « Cette commission est un processus resté inachevé. Donc on s’est mobilisé pour dire « trop c’est trop », et pour que cette question de réparations devienne une vraie priorité, car les victimes commencent désormais à mourir. »
Le ministre de la Justice promet d’aller bientôt à la rencontre de ce groupe de retraités, engagés à continuer leur mouvement jusqu’à être entendus.
Ce groupe peut compter sur le soutien d’une ancienne membre de la Commission Vérité et Réconciliation, Yasmin Sooka. Par ailleurs, outre les réparations financières, la Commission avait de son côté adressé au gouvernement une lettre en 2019 pour demander à ce que les recommandations de poursuites judiciaires soient enfin appliquées. Sur plus de 300 dossiers, seule une poignée ont été rouverts devant les tribunaux.