En Guinée, plusieurs marchés ont été ravagés par des incendies ces dernières années. À Mamou, Nzérékoré par exemple, il a suffi de quelques minutes aux flammes pour détruire le travail de toute une vie. La reconstruction, elle, prend du temps et se fait toujours attendre par endroit. C’est le cas à Siguiri, en Haute-Guinée, où les commerçants, faute de place, ont envahi les rues du centre-ville.
Le soir du 27 février 2020, des milliards de francs guinéens sont partis en fumée. « On nous a appelés un jour, pour nous dire d’aller nous recenser et que tout ce que nous avions perdu serait remboursé. Mais jusqu’à présent, on ne nous a pas remboursés », témoigne Awa Keïta Camara.
Awa Keïta Camara a perdu toute sa marchandise, 15 millions de francs guinéens, près de 1 500 euros. Elle vient juste de se remettre à travailler : « Je me suis débrouillée pour avoir ça. » Elle vend des accessoires pour les nouveaux-nés. « Ils ont dit qu’ils allaient reconstruire en six mois. Mais jusqu’à présent, on est là, sur la route, on se débrouille. »
Awa Keïta Camara a pu placer son étal devant la boutique de sa sœur, mais elle travaille le long d’un axe très fréquenté. Au milieu du bruit et de la pollution. Là, elle doit repartir de zéro : « Je ne sais même pas où sont mes clients. » Elle se sent isolée. « J’ai perdu des clients et mes amies du marché. On ne se voit plus. On peut rester deux à trois mois sans se voir. C’est très dur… »
Enchevêtrement d’étals où cohabitent les clients, les marchands, mais aussi les piétons, les motos et les voitures. Les rues du centre-ville de Siguiri sont devenues impraticables. Mamadi Condé, quincailler, est hors de lui : « Il y a beaucoup d’embouteillages ici. C’est la pagaille. » Les boutiques du centre-ville ont augmenté leur loyer, dit-il, celles situées juste à côté de l’ancien marché peuvent coûter jusqu’à 300 euros par mois. Beaucoup de commerçantes se sont mises à vendre dans de simples brouettes.
Excédées, les femmes ont pris la tête de la contestation. Ce sont elles les plus nombreuses au marché. Elles ont manifesté en décembre et janvier derniers pour demander aux autorités d’accélérer les travaux. Mais selon Awa Keïta Camara, le plus dur est à venir : « Quand ils auront fini de construire le marché, ils vont nous donner un emplacement. Ceux qui ont de l’argent, ce sont eux qui seront servi. Si tu n’as rien, tu sais que tu n’auras pas de place. »
Le marché de Siguiri est aujourd’hui une structure de béton nu. Un chantier à l’arrêt, caché derrière des planches et des tôles, où personne ne rentre. Les travaux ont été suspendus après le coup d’État du 5 septembre.