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POLITIQUE

Côte d’Ivoire: «Laurent Gbagbo veut être le maître du jeu politique»

En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo a annoncé lundi la création de son nouveau parti politique. L’ex-président ne souhaite pas s’engager dans une bataille juridique avec son ancien Premier ministre, Pascal Affi N’Guessan, qui dirige l’aile légale du FPI. Que comprendre de ses ambitions politiques ? S’agit-il d’une déclaration de guerre à Pascal Affi N’Guessan ? À Simone Gbagbo elle-même ? Ousmane Zina est professeur de sciences politiques à l’Université de Bouaké. Invité d’Afrique matin, il répond aux questions de David Baché.

RFI : Ousmane Zina, Laurent Gbabgo crée un nouveau parti politique, est-ce qu’on doit en conclure que l’ex-président a de nouvelles ambitions politiques pour lui-même ?

Ousmane Zina : Oui, effectivement, on voit se dessiner à l’horizon cette volonté de Laurent Gbabgo d’être maître du jeu politique au niveau de l’opposition. Laurent Gbagbo, effectivement, veut compter dans le jeu politique en Côte d’Ivoire.

Cela veut dire qu’il a des ambitions électorales pour lui-même ?

Oui. Forcément, il a un parti politique, a pour objectif de conquérir ou de conserver le pouvoir d’État et donc je pense bien que Laurent Gbagbo crée ce parti politique dans l’idée effectivement de reconquérir le pouvoir d’État. Et comment ? Avec lui-même ou avec d’autres acteurs qu’il laissera émerger dans le cadre de ce parti politique ? Je pense que le temps nous dira si c’est lui-même qui se positionne. Dans tous les cas, il devient l’acteur incontournable, libre de toute sa stratégie, de toute son action pour effectivement reconquérir ce pouvoir d’État.

On se demande forcément si la manœuvre n’a pas également pour but d’isoler Simone Gbagbo et ses partisans ?

Oui, je pense que cette manière de faire est une stratégie qui coupe, on dira, dans deux voies ; dans un premier temps qui coupe du côté d’Affi N’Guessan, en fait se décharger totalement d’Affi N’Guessan qui devenait pesant dans sa stratégie politique sa volonté d’aller à l’avant et deuxièmement cette approche coupe du côté de Simone Gbabgo, effectivement qui reste une figure incontournable forte du FPI et qui a aussi des ambitions politiques. Elle n’a pas mentionné la fin de sa carrière politique et pour Laurent Gbabgo, ces deux poids constituaient une véritable gêne. Et donc, créer un nouveau parti politique lui permet de sortir par le haut et d’être effectivement, comme je le disais, le maître du jeu.

Le FPI est devenu avec les années plus qu’un parti, c’est une marque, c’est une identité à laquelle les fidèles de Laurent Gbabgo sont attachés. Ce changement, ce n’est pas un risque ?

Oui, effectivement, c’est un risque politique mais comme vous le savez, la politique c’est l’art du possible et donc, je pense qu’en faisant ainsi, Laurent Gbabgo a dû sûrement peser dans la balance effectivement ces risques liés à cela. La question qu’on se pose est, est-ce qu’il pourra tirer cette nouvelle machine véritablement vers le haut, au regard de l’âge, même si, comme ses partisans le disent, son âge ne serait pas un handicap. Est-ce qu’il pourra rassembler comme il l’a fait au niveau du FPI, parce qu’on a de nouvelles générations politiques aujourd’hui, on a de nouveaux jeunes intéressés par le jeu politique. Est-ce qu’il pourra puiser dans les ressources de l’ancien FPI ? Reste à voir… Je pense qu’il y a énormément de questions et au regard de la transition générationnelle qui se profile à l’horizon, qui se fera par le temps, effectivement, on peut voir poindre à l’horizon un risque. Maintenant, vous savez, c’est Laurent Gbagbo qui a énormément de stratégies, qui a un vécu, le temps nous dira s’il avait raison ou pas.

Ce nouveau parti, vous l’avez déjà bien expliqué, c’est aussi une déclaration de guerre à certains de ses anciens alliés. Au moment où on parle, pour le pays, de réconciliation nationale, est-ce que ce n’est pas un peu à contre-courant ?

Oui, on peut le penser de cette manière. Partie de l’incapacité de Laurent Gbagbo, le père fondateur du FPI, cette incapacité à mettre de l’ordre dans sa maison. Par conséquent, on se posera la question de savoir si au-delà il pourra rassembler plus large. Mais ce n’est pas une évidence et là c’est une question interne. C’est une question liée à la stabilité politique d’un parti politique ou à son avenir. Sur la Côte d’Ivoire, je pense que progressivement, il est en train de montrer qu’il peut se montrer au-dessus de la mêlée : on a vu sa visite au président de la République, les échanges qui ont eu lieu. Il va sur deux voies. Gérer le parti politique et également jouer son rôle dans le devenir politique de la Côte d’Ivoire. Donc, c’était la réconciliation dont ont entendu parler les Ivoiriens. Reste à savoir comment ce nouveau parti politique prendra le taureau par les cornes et jouer ce rôle de parti politique réconciliateur.

Mais on se dit que ça va être difficile de faire la paix avec le camp Ouattara si Laurent Gbagbo ne la fait pas déjà avec Pascal Affi N’Guessan, avec Simone Gbagbo, dans son propre camp ?

Oui, c’est une analyse comme je le disais par voie de conséquence. On parle du scénario micro. C’est-à-dire qu’une réflexion micro à l’interne au niveau du parti politique et ensuite au niveau de macro. Je pense qu’au niveau national, ce sont des questions nationales qui ne soient pas forcément liées à la gestion de la vie interne d’un parti politique. Il peut être meilleur dans sa collaboration avec les autres partis politiques et régler de cette manière les problèmes liés au parti FPI. Maintenant, on ne peut pas tirer des conclusions hâtives, mais c’est vrai que d’un point de vue symbolique, cela amène à s’interroger sur sa volonté réconciliatrice sur son parti et au-delà. Parce que ce sont des signes avant-coureurs qui disent si oui ou non, il s’inscrit effectivement dans cet élan. Laissons le temps faire son effet. Je pense que Laurent Gbagbo est revenu en Côte d’Ivoire avec des idées claires et progressivement, je pense que ses idées vont se voir très nettement sur le jeux politique.

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