La polémique se poursuit autour du processus de désignation des membres de la commission électorale de RDC. Ce lundi, les Églises catholique et protestante devraient communiquer pour expliquer leur position, alors qu’à Kinshasa et au Kasaï-Oriental, des églises sont sous la pression d’attaques ou de manifestation. En cause, le différend entre les deux principales confessions du pays et les six autres dont l’Eglise du réveil au Congo autour de la désignation du candidat-président de la Céni. Sur les huit confessions reconnues dans le pays, six ont décidé de déposer le nom de leur candidat vendredi soir. Mais les catholiques et les protestants contestent la légalité de la procédure.
Avec notre envoyée spéciale à Kinshasa, Sonia Rolley
La désignation de Denis Kadima comme candidat-président de la Céni est-elle légale ? Pour les catholiques et les protestants, la toute récente loi sur la Céni est claire : seules les confessions « ayant une expérience et une expertise avérée en matière électorale » sont habilitées à voter. Mais c’est une nouveauté inscrite dans son article 10. « Parmi ces six confessions, qui a une mission d’observation ou fait de la sensibilisation électorale ? », lance l’un de ces leaders religieux. « À chaque nouvelle élection, elles ne font qu’imposer un candidat-président proche du pouvoir. Quand des Congolais mourraient pour réclamer la démocratie, on ne les a jamais entendues protester », explique-t-il encore, ajoutant que si la Cenco catholique et l’ECC protestante n’avaient pas soulevé cette disposition légale avant vendredi, c’était pour tenter de préserver l’unité de la plateforme des confessions religieuses une fois de plus mise à mal.
Du côté de l’Église du réveil au Congo, chef de file des six autres confessions, on dit qu’il ne faut pas s’attacher à la lettre de la loi, mais plutôt à l’esprit. « Si c’était la lecture qu’il fallait avoir de la nouvelle loi, on n’aurait jamais reçu de courrier de l’Assemblée nationale pour nous demander de participer au processus de désignation », explique l’un de ses experts. « La majorité a parlé. En cas d’absence de consensus, passer au vote est un droit garanti par la charte des confessions religieuses », précise encore cet expert. Le patron de l’Église du réveil au Congo, le pasteur Dodo Kamba, avait quant à lui expliqué que c’est à l’Assemblée nationale de vérifier la légalité de la procédure.
Les Églises protestantes et catholiques dénoncent le risque de mainmise du pouvoir sur le processus. Pour la coalition Lamuka de l’ancien candidat à la présidentielle Martin Fayulu et de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito, la population congolaise doit se lever contre la politisation de la Céni et se tenir prête à manifester. « Ce qui inquiète, c’est déjà le contrôle effectif de cette machine électorale qu’est la commission électorale indépendante, par les acteurs politiques, qui du reste sont compétiteurs. Nous, ensemble, avec notre peuple, avions voulu que la société civile elle-même puisse contrôler les bureaux. Mais vous remarquez qu’avec la répartition qui a été faite, la société civile n’occupe qu’un seul poste au niveau du bureau. Ca ne passe pas », s’indigne Blanchard Mongomba, l’un des porte-parole de Lamuka.
L’Église catholique ciblée dans le Kasaï et Kinshasa
Des dizaines de jeunes ont caillassé dimanche l’archevêché de Kinshasa, et dans le Kasaï plusieurs édifices catholiques ont été attaqués, 48 heures après des divergences sur le choix du président-candidat de la Commission électorale.
Le « dimanche 1er août, un groupe des personnes non identifiées s’est présenté à l’archevêché de Kinshasa et à la résidence du cardinal Fridolin Ambongo, scandant des chants et propos désobligeants et (commettant) des actes de dégradation », a pour sa part écrit dans un communiqué cité par l’AFP l’abbé Georges Njila, chancelier de l’archidiocèse de Kinshasa. « Nous désapprouvons fermement (ces actes) ainsi que leurs conséquences, et invitons tous les fidèles catholiques à rester extrêmement vigilants », a-t-il ajouté.
Des ornements liturgiques volés, des statues vandalisés, objets sacrés emportés ou des lieux de culte profanés… L’Église catholique a également été victime de « graves abominations » dans la région du Kasaï, fief du président Félix Tshisekedi, avec notre correspondant à Kinshasa, Pascal Mulegwa.
Des actes délibérés, selon l’évêque de Mbuji Mayi interrogé par RFI, alors que l’Église a récemment pris des positions contre le pouvoir en place. Mais l’évêque espère que les actes de vandalisme décriés ne sont pas liés aux prises de position de l’Église à Kinshasa.
Une dizaine de paroisses ont été saccagées, visitées ou vandalisées. On pensait que c’était des actes individuels mais nous avons remarqué, surtout depuis les mois de juin, que ces actes se répètent et se systématisent. Au mois de juillet, nous avons constaté que ces gens n’ont pas lâché prise. On se demande ce qu’il se passe pour que ces gens osent continuer à inquiéter l’Église de plusieurs manières. Mais nous ne pouvons pas dire aujourd’hui que c’est parce que notre Église s’est mise debout pour parler qu’il y a vandalisme.
Monseigneur Bernard-Emmanuel Kasanda
En réaction, le chef de la police du Kasaï-Oriental, joint par RFI, affirme ne pas être au courant des faits affirmés par l’Église. Aucune plainte n’a été déposée. Le commissaire divisionnaire adjoint Roger Nsinga promet de vérifier les faits et s’est dit surpris d’apprendre ses informations par les médias.