La position de l’administration américaine en faveur d’une levée temporaire des brevets sur les vaccins contre le Covid-19 suscite l’espoir en Afrique. Réclamée notamment par l’Inde et l’Afrique du Sud, cette mesure est destinée à accélérer la production et la distribution des vaccins anti-Covid, à l’heure où les pays pauvres manquent cruellement de doses. L’Organisation mondiale de la santé y voit aussi l’occasion pour l’Afrique de booster sa capacité de fabrication.
Un mois après le sommet de l’Union africaine sur l’autonomie vaccinale, l’OMS espère que la levée temporaire des brevets pourrait y contribuer. Car si elle est acceptée, cette solution permettrait à n’importe quel pays d’avoir accès à la « recette » pour fabriquer les vaccins anti-Covid, sans se soucier de la propriété intellectuelle.
Reste maintenant à accélérer le processus de transfert de technologies et à doter les pays africains des chaînes d’approvisionnement afin de produire eux-mêmes des vaccins. L’OMS le reconnait, tout cela a un coût et nécessitera des investissements importants.
En attendant, certains pays d’Afrique sont en pôle position pour la fabrication de vaccins, comme le Maroc ou l’Algérie. L’Afrique du Sud a déjà annoncé la possibilité de développer sa capacité de production locale, tout comme l’Institut Pasteur au Sénégal. Et il y a besoin. Seulement 2% des doses disponibles dans le monde étaient administrées en Afrique. Un taux qui vient de tomber à 1% en raison des retards de livraison de l’Inde, un pays en proie à une sévère crise sanitaire.
L’OMS a lancé un appel aux dons des doses de vaccins, afin de réduire le décalage entre les pays pauvres et riches.
La levée des brevets est une partie importante de la solution pour l’Afrique. Mais il faudra aussi veiller à produire les composants des vaccins et en augmenter la quantité. Il faudra aussi diversifier les sites de fabrication.
Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’Organisation mondiale pour la santé pour l’Afrique
L’espoir des ONG en Afrique du Sud
En Afrique du Sud, pays qui est à l’origine avec l’Inde de la requête déposée en octobre auprès de l’Organisation mondiale du commerce, les associations espèrent que ce soutien de poids pourra faire pencher la balance, rapporte notre correspondante à Johannesburg, Claire Bargelès. Le président Cyril Ramaphosa s’est félicité de cette déclaration américaine, tout comme les ONG locales qui plaident pour que les vaccins soient accessibles aux pays les moins riches.
Parmi elles, Section 27 dont Umunyana Rugege est la directrice. « On ne peut pas continuer les affaires comme si de rien n’était. On voit qu’avec le vaccin contre le/la Covid-19, il n’y a pas suffisamment de producteurs au niveau mondial. Il faut que l’on fasse en sorte d’avoir davantage de capacités de production et l’un des outils pour y arriver, c’est cette requête de levée des brevets auprès de l’OMC. »
Il faut dire que le pays garde en mémoire la lutte menée dans les années 2000, afin que les traitements contre le virus du Sida soient plus abordables. Sibongile Tshabalala, présidente de l’organisation Treatment Action Campaign, regrette que ce combat contre les brevets soit toujours d’actualité.
« Souvenez-vous, au début de l’épidémie de VIH, quand il n’y avait pas de traitement ici : ce n’est pas qu’il n’y avait pas de traitement disponible, c’est qu’il y avait des brevets. C’est très décevant qu’aujourd’hui on doit encore militer et supplier les gouvernements de faire passer la vie des gens avant les profits. »
La Fédération de l’industrie pharmaceutique dénonce une requête qui pourrait être contre-productive, et freiner la recherche. De son côté, l’agence de santé de l’Union africaine appelle à la patience : même si la mesure finit par passer, augmenter la production demandera encore du temps, et des investissements.
Une nouvelle réunion de l’OMC devrait être programmée d’ici à la fin du mois, avant l’organisation d’un conseil spécifique début juin.