LE JOURNAL.AFRICA
DIPLOMATIE

Réparer les erreurs et fautes des prédécesseurs

Pour éviter d’avoir, dans le futur, à se retrouver sans cesse dans la situation de devoir s’excuser, la France devrait s’attaquer, dès aujourd’hui, à un type de conception des rapports entre hommes politiques ou intérêts plus ou moins privés français et les dirigeants et États africains.

La haine au cœur de la vie politique, en Afrique. C’est ce qui a mené au génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994. Au lancement de la commémoration du vingt-septième anniversaire de ce génocide, cette semaine, à Kigali, le président Paul Kagame a décerné un bon point à la France. Mais alors, pourquoi parle-t-il d’un « important pas en avant », alors que certains, en France, voient dans le rapport Duclert une contribution décisive à l’apaisement des mémoires ?

Sans doute parce que les autorités rwandaises attendent encore beaucoup, de la part de la France. Tandis qu’à Paris, ce rapport est sobrement intitulé « La France, le Rwanda et le génocide des Tutsis », beaucoup, à Kigali, ne veulent y voir qu’une reconnaissance du rôle de la France dans ce génocide. Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, exprime, certes, des regrets, et même des remords, mais il insiste sur le fait que la France est exonérée de toute complicité, dans la préparation ou l’exécution de ce génocide.

Faut-il rappeler qu’un véritable contentieux historique existe entre les deux pays, sur ce que Paul Kagame continue de présenter comme la responsabilité de la France dans ce génocide ? Il faut du temps, pour vider un contentieux historique, et l’on n’est jamais à l’abri d’un brusque retour en arrière, ou d’une remise en cause totale. Emmanuel Macron a beaucoup donné. Mais, après lui, d’autres devront probablement encore donner, et beaucoup plus !

Pensez-vous à des oppositions, par rapport aux avancées actuelles ?

Il y en aura, forcément, pour estimer que l’on en a déjà trop fait. Sans compter les familles politiques que gênent certaines des révélations actuelles ou pourraient gêner des gestes supplémentaires souhaités par Kigali. Le grand public ne se remémore peut-être pas aujourd’hui le fait que ce génocide s’était produit en période de cohabitation, en France, avec un président socialiste, François Mitterrand, un Premier ministre gaulliste, Édouard Balladur, et un gouvernement plus largement de droite. Au sein même de ce gouvernement, les gaullistes étaient divisés en deux camps farouchement opposés : d’un côté, des personnalités comme Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy, qui voulaient porter Balladur au pouvoir ; et de l’autre, Alain Juppé et d’autres, restés fidèles à Jacques Chirac. D’ailleurs, le ministre des Affaires étrangères Juppé et son directeur de cabinet, Dominique de Villepin, s’agaçaient de devoir affronter, sur l’Afrique, une diplomatie parallèle de la partie la plus vivace de ce qui restait de la Françafrique, et qu’incarnait alors sans complexe Charles Pasqua.

Sur le Rwanda, comme, plus largement, sur ce qu’il restait du pré-carré français en Afrique, les trois sensibilités au pouvoir à l’époque ne visaient pas toutes, unanimement, les mêmes objectifs. C’est en cela que réparer les fautes et les erreurs de ses prédécesseurs pourrait s’avérer « un piège sans fin  » – c’est le titre d’un roman d’Olympe Bhêly-Quenum –  pour la France, dans ses rapports avec l’Afrique.

« Un piège sans fin » ? Pourquoi cette expression ?

Parce que les actes que pose aujourd’hui Emmanuel Macron vis-à-vis du Rwanda, comme ceux qu’il a déjà posés vis-à-vis de l’Algérie, valent excuses. Il a été dit, à suffisance, que les erreurs et autres responsabilités que l’on impute à la France découlent de la trop grande proximité de certains dirigeants politiques français avec le régime de Juvénal Habyarimana. D’autres peuples du continent africain pourraient espérer des gestes identiques à ceux consentis au Rwanda.

L’idéal est toujours d’éviter de se retrouver dans la situation de devoir sans cesse s’excuser. Si la France ne veut pas, dans le futur, s’épuiser à présenter des excuses, c’est à une certaine conception des rapports de certains hommes politiques ou d’intérêts plus ou moins privés français avec les régimes et les États africains qu’il faudra s’attaquer, dès aujourd’hui.

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