L’organisation de l’État islamique a revendiqué ce lundi 29 mars l’attaque menée dans la région côtière de Cabo Delgado, là où Total est implanté pour exploiter un méga gisement sous-marin de gaz. Cette nouvelle offensive jihadiste remet-elle en cause un projet susceptible de transformer le destin du Mozambique ?
Contacté par RFI, Total dit « faire confiance au gouvernement du Mozambique pour retrouver le contrôle de la zone ». Pas question de renoncer donc, mais le message de la compagnie se fait insistant : il faut absolument que le gouvernement reprenne en main la situation sécuritaire. Le président du pays s’y était engagé auprès du patron de Total, Patrick Pouyanné, venu le rencontrer en janvier. Pour le moment, c’est un échec complet selon le consultant Philippe Sébille-Lopez. D’après lui, l’armée n’est pas à la hauteur et les sociétés privées russes ou sud-africaines qui se succèdent sur place « ne servent à rien ».
Ramener la paix dans la région prendra du temps
Non pas des mois, mais plutôt des années. Un délai qui en vaut la chandelle pour Total, l’opérateur du projet. L’extension du GNL, dont il est déjà le deuxième opérateur privé mondial, fait partie de sa stratégie pour diminuer son empreinte carbone. Pour le Mozambique, c’est un projet indispensable. Au moment de la découverte du gisement, on a parlé d’un jackpot pour ce pays d’Afrique australe classé parmi les plus pauvres au monde par la Banque mondiale.
Il pourrait devenir l’un des tous premiers exportateurs au monde de gaz naturel liquéfié, en compétition par exemple avec le Qatar.
Sa géographie, avec sa longue côte ouverte sur l’océan Indien, en fait un fournisseur idéal pour l’Asie. L’État escompte un revenu annuel de 3 milliards de dollars d’ici dix ans. Total s’est engagé à investir 20 milliards de dollars dans le projet. Et la compagnie américaine Exxon de son côté pourrait investir 30 milliards de dollars. Avec la présence de l’Italien ENI et d’autres compagnies asiatiques, 60 milliards seront injectés. Cela en fait le plus gros investissement étranger du continent africain. C’est quatre fois le PIB annuel d’un pays où deux habitants sur trois vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
Mais ces promesses sont encore lointaines : avant d’encaisser, il faut d’abord dépenser pour régler la question de la sécurité. Un défi pour un État surendetté. L’aide extérieure apparaît indispensable. Les États-Unis se disent prêts à assister le gouvernement dans sa lutte contre les shebabs – pour le moment, l’assistance américaine se réduit à une douzaine de soldats des forces spéciales. Sur place, pendant deux mois pour entraîner les commandos mozambicains.
Les intérêts économiques des États-Unis sont aussi en jeu dans ce projet. Beaucoup d’entreprises américaines sont en contrat avec Total. Cela représente plus de 16 000 emplois sur le sol américain. Et c’est en partie une banque américaine qui finance la compagnie française. L’Eximbank apporte 5 milliards de dollars au montage.
Enfin, l’implication de l’administration sera sans doute déterminante pour la compagnie Exxon, qui a déjà reporté deux fois sa décision finale d’investissement. Pas seulement à cause des attaques jihadistes mais aussi à cause du Covid-19. La pandémie a fait baisser le marché du gaz, ce qui rend les investissements plus difficiles et moins rentables.
En bref
► La représentante américaine au commerce Katherine Tai veut une relation commerciale plus positive et plus productive avec l’Union européenne. Un nouveau signe de réchauffement dans les relations entre l’Europe et les États-Unis. Par ailleurs, Janet Yellen, la secrétaire au Trésor, a assuré à Bruno le Maire qu’elle est favorable à l’impôt sur les multinationales, promu par la France dans le cadre de l’OCDE.
► Volvo offre un congé parental de six mois à ses employés du monde entier. Ses ouvriers américains et indiens vont donc aussi en bénéficier. Le constructeur suédois qui emploie essentiellement des hommes s’inspire de la législation de son pays. Spotify et Ikea ont des programmes similaires.