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Le cinéaste Joël Karekezi: «Je crois à ce Mobile Film Festival Africa»

« J’aime beaucoup le concept 1 Mobile – 1 Minute – 1 Film. » La première sélection panafricaine du Mobile Film Festival Africa nous invite jusqu’au 17 mars à découvrir gratuitement les films de 51 jeunes réalisateurs et réalisatrices de 23 pays africains, en lice pour le Grand Prix Africa, doté de 10 000 euros. Entretien avec le réalisateur rwandais Joël Karekezi, lauréat du très prestigieux Étalon d’or de Yennenga au Fespaco et membre du jury du Mobile Film Festival Africa 2021.

RFI : Après votre triomphe au Fespaco 2019, au plus grand festival panafricain du cinéma, on vous attendait plus dans un jury du Fespaco, du Festival de Cannes ou de la Mostra de Venise qu’au Mobile Film Festival Africa en ligne. Qu’est-ce qui vous a motivé d’y participer en tant que membre du jury ?

Joël Karekezi Je n’ai pas été membre du jury à Venise, à Cannes ou au Fespaco, mais aux Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) et à d’autres festivals. J’ai accepté d’être membre du jury au Mobile Film Festival Africa, parce que j’aime beaucoup le concept. Le fait que des jeunes tournent des films d’une minute avec un téléphone. Ainsi, ils peuvent prouver leur soif de faire du cinéma et le festival va les accompagner et donner des prix pour les aider dans la production de leurs courts métrages.

Dans la vie de tous les jours, filmer avec le téléphone portable est devenu banal, il y a même de très grands cinéastes comme Jafar Panahi, Michel Gondry ou Steven Soderbergh qui ont réalisé des films avec un smartphone. Vous-même, autodidacte, vous vous êtes formé, entre autres, avec une école de cinéma en ligne pour devenir cinéaste, avez-vous déjà réalisé un film avec un smartphone ?  

Je n’ai pas encore réalisé un film avec un téléphone, mais, à mes débuts, ce monde digital m’a permis de tourner. Mon premier long métrage, je l’ai réalisé avec des caméras digitales et un petit budget, ainsi, j’ai pu prouver que je pouvais le faire. Moi, je crois que même si on filme avec un téléphone, si on a une belle histoire à raconter, c’est le début. Après, cela aide à décrocher des financements pour tourner un film avec du matériel professionnel. Pour cela, je crois à ce Mobile Film Festival. Cela motive les gens à travailler et à raconter leurs histoires. Après, cela les aide aussi. Au festival, tous les prix décernés seront dédiés à la production.

En 2019, quand vous avez reçu à Ouagadougou l’Étalon d’or de Yennenga du Fespaco pour votre film La Miséricorde de la Jungle, vous avez affirmé : « Le message du film est simple : notre Afrique est belle. On doit continuer à se développer et vivre en paix. » Est-ce que le Mobile Film Festival Africa fait partie de ce chemin ?  

J’ai déjà regardé quelques courts métrages et ce qui me touche beaucoup, c’est qu’il y a des films de nombreux pays africains et chaque film a énormément de choses à raconter. Il y a des sujets qui me touchent vraiment beaucoup. Je trouve qu’il faut donner des moyens et des possibilités aux jeunes pour essayer de raconter ces histoires, parce que c’est notre Afrique et il s’agit de raconter nos histoires, quels que soient les moyens.

Sur le site du festival, on peut découvrir jusqu’au 17 mars les films en compétition. Ils viennent d’un peu partout de l’Afrique : Burkina Faso, Cameroun, Égypte, Nigeria, Kenya, RDC, Togo, Afrique du Sud… il y a aussi bien des films drôles que des histoires très sérieuses, et même au niveau technique ils affichent des ambitions : des travellings, des gros plans, des contre-plongées… Sans nommer un film en particulier, qu’est-ce qui vous a frappé le plus jusqu’ici ?  

Pour l’instant, je ne peux pas me prononcer. Ce que je peux dire, c’est qu’au travers du téléphone, ces jeunes se sont vraiment investis dans ce concours et ont essayé de raconter des histoires qui les touchent. Ça, cela me parle beaucoup.

C’est la première édition du Mobile Film Festival Africa. Parmi les 497 films de 38 pays africains envoyés, 51 films ont été sélectionnés. Ils parlent de l’avenir, de la misère de l’éducation pour les pauvres en Afrique, du rêve d’une vie meilleure, de la liberté… Selon vous, une telle initiative, que peut-elle changer pour le cinéma en Afrique ?  

Souvent, les festivals, ce sont des moments de fêtes, mais si un festival essaie aussi de s’investir dans l’accompagnement des projets, là, cela peut changer des choses. Cela peut aider les jeunes à s’investir dans le cinéma et à produire beaucoup. Pour moi, un festival n’est pas seulement le moment de fête ou de présenter des projets qu’on a déjà, mais aussi le moment de planifier de nouveaux projets pour l’avenir.

Quel est votre nouveau projet dans cette époque marquée par la pandémie du Covid-19 ?  

Je suis en train de définir les critères de mon prochain long métrage. C’est une histoire vraie, basée sur la vie d’un Sénégalais, le capitaine Mbaye Diagne, qui était au Rwanda dans les années 1994 dans le cadre de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda. Il était militaire. Au moment où le génocide a commencé, l’ONU quittait le pays et il y avait des massacres partout. Mais lui, même s’il était Sénégalais sous le commandement de l’ONU, il a décidé, en tant qu’individu, de sauver des vies, sans moyens. Il a sauvé plus de six cents personnes, sans armes, avec des négociations, avec des mots. Et il a sacrifié sa vie. Il a été assassiné au Rwanda. Cette histoire, je vais la raconter très bientôt.

Mobile Film Festival Africa, jusqu’au 17 mars. La cérémonie de clôture et les remises de prix – dont le Grand Prix Africa doté de 10 000 euros – auront lieu les 23, 24 et 25 mars à Tunis, accompagnées de master class et de projections de films.

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