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14 janvier 2011, l’ère Ben Ali s’achève en Tunisie

Il y a dix ans, la Tunisie ouvrait une nouvelle page de son histoire. Après 23 années au pouvoir, le président Ben Ali fuyait son pays, conséquence d’un mois de manifestations sans précédent. Une révolution qui ouvre alors la porte de la démocratie au peuple tunisien.

Voilà une décennie que la Tunisie a ouvert un nouveau chapitre, non sans difficultés mais avec une rapidité inédite. L’événement qui va entraîner la chute du régime que nombre de Tunisiens pensaient inébranlable se produit le 17 décembre 2010 quand Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de Sidi Bouzid (centre-ouest), s’immole par le feu pour protester contre la saisie de sa marchandise.

Dès lors et durant quatre semaines, les manifestations, d’abord contre le chômage puis contre le régime, se répandent dans le pays comme une traînée de poudre, ne restant plus cantonnées aux seules régions intérieures depuis longtemps plus défavorisées par rapport à celles du littoral. Considérées comme « non-violentes » selon les observateurs, elles ne seront pas pour autant épargnées par la brutalité du régime. Le bilan officiel de ce mois de heurts entre manifestants et forces de l’ordre, selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, est de 219 morts et 510 blessés.

Mais malgré la répression policière, les manifestants restent déterminés à en finir avec les 23 années de règne du président Ben Ali, accusé entre autres de corruption et de violations des droits humains. Pari inédit réussi le 14 janvier 2011 : le président s’enfuit en Arabie saoudite. Celui qui, en 1987 lors de sa prise de pouvoir, promettait « une société juste, équilibrée, démocratique » meurt en septembre 2019 à Jeddah.

La longue transition démocratique

Dès le 15 janvier 2011 la transition démocratique se met en marche. Le pays vit ses premières élections libres le 23 octobre 2011, ayant pour but de définir la composition de l’Assemblée constituante. Le parti islamiste Ennahda en obtient la majorité. Avec deux partis laïcs, il forme une coalition et un accord de partage du pouvoir est passé. L’Assemblée a alors pour mission de rédiger une nouvelle Constitution qui voit le jour le 26 janvier 2014.

Cette dernière établit un régime semi-présidentiel où le président conserve des pouvoirs en matière de politique étrangère, de défense et de sécurité intérieure. Le président est élu tous les cinq ans au suffrage universel, pour deux mandats maximum. Après avoir été repoussées plusieurs fois, les premières élections législatives et présidentielle ont lieu fin 2014. Béji Caïd Essebsi est élu président au second tour. Il cède la place en octobre 2019 à Kaïs Saïed.

Des difficultés persistantes, voire qui s’amplifient

Mais malgré la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, des élections libres et démocratiques, une liberté d’expression qui n’a pas de prix, les quelque 11 millions de Tunisiens restent amers : la situation économique et sociale (le taux de chômage dépasse aujourd’hui les 15%) est dans le rouge. De plus, la vague terroriste de 2015 qui frappe le pays de plein fouet affaiblit le secteur du tourisme, secteur essentiel de l’économie tunisienne. Autre attente des citoyens : la réforme promise de la justice mais toujours pas achevée.

L’homme fort du pays est tombé, mais les espoirs de vie meilleure ont ainsi été quelque peu douchés. « La Tunisie est théoriquement une démocratie désormais, mais une série de gouvernements de technocrates ont peiné à faire changer les choses et équilibrer les intérêts de l’élite traditionnelle avec ceux de la population défavorisée », souligne l’Institut Transnational, un laboratoire d’idées basé à Amsterdam.

En effet, la classe politique, plus fragmentée que jamais depuis les législatives de 2019, se déchire ainsi sans parvenir à passer à l’action. Le principal parti –d’inspiration islamiste–, le mouvement Ennahdha, peine à constituer une majorité stable au sein d’une Assemblée où siègent une multitude de formations. Les débats dégénèrent régulièrement, et des coups ont même été échangés il y a quelques semaines.

Ainsi, selon un sondage effectué pour les dix ans de la révolution, 67% de la population tunisienne estime que la situation actuelle est pire qu’en 2010. Les contestations sociales se multiplient au fil des ans.

Révélateur de la crise actuelle, les Tunisiens représentent actuellement la moitié des migrants arrivant illégalement en Italie: les traversées clandestines de la Méditerranée sont reparties à la hausse depuis 2017, face au manque de perspectives.

Vers un dialogue national ?

L’urgence sociale s’accentue donc, avec aujourd’hui en plus les retombées dramatiques de la pandémie de nouveau coronavirus.

Le 30 décembre dernier, le président tunisien Kaïs Saïed s’est dit en faveur d’un dialogue national, comme l’a proposé la centrale syndicale l’UGTT (qui a joué un rôle clé lors de la transition politique post-révolution de 2011), afin de trouver des solutions à la situation difficile dans le pays. Le président tunisien a approuvé l’organisation de ce dialogue « pour corriger le processus de la révolution qui a été dévié », et a exigé la participation dans ce dialogue « des représentants de jeunes de toutes les régions de la République ».

Les difficultés auxquelles la Tunisie doit faire face depuis dix ans sont donc nombreuses et la route est encore longue pour toutes les régler. Mais le peuple tunisien a réussi à tourner la page de l’autoritarisme le 14 janvier 2011 et à ouvrir celle de la démocratie.

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