Le nord de l’Éthiopie a été touché par plusieurs catastrophes naturelles cette année. D’abord, la pire invasion de criquets en 25 ans a dévasté des centaines de milliers d’hectares de récoltes et a encore un peu plus fragilisé la sécurité alimentaire de la Corne de l’Afrique. Autre phénomène naturel destructeur, les inondations records de la dernière saison des pluies qui ont déplacé plus de 300 000 personnes dans le pays. Un phénomène climatique nouveau dans la région. Noé Hochet-Bodin s’est rendu dans la région Afar, où le fleuve Awash a débordé.
À Eeble au mois d’août, l’eau est montée en un temps record, le village a été avalé au petit matin, chassant les 3 000 habitants en quelques minutes à peine. Depuis, il ne reste plus rien ou presque. Alemayehu vivait là avec sa femme et ses neuf enfants. Il revient pour la première fois dans son village : « Vous voyez, tout est encore à l’intérieur. Il y a même les cadavres de mes trois vaches. Elles sont mortes noyées. L’eau rentrait dans la maison par tous les côtés et nous avons vite évacué. On n’a rien eu le temps de prendre derrière nous. Tout a été englouti. On n’a pas compris ce qu’il se passait. La dernière fois qu’il y avait eu une inondation, ce n’était pas aussi violent, donc on n’a pas pensé réagir plus tôt. »
Depuis, il fait partie des 300 000 déplacés et se retrouve sans bétail, sans récoltes et sans travail. Dans les camps de réfugiés, de nombreuses familles sont dans ce cas. Dejena Zeleke ne comprend pas encore très bien ce qu’il s’est passé : « Ce sont les deuxièmes inondations dont je suis victime. Les premières, c’était il y a 20 ans, en 2000. Mais ça n’avait rien à voir avec la violence de cette année. Celles-ci sont plus puissantes. » Pour lui, une seule explication : « Je pense que c’est lié au changement climatique. Même la saison des pluies a été plus violente et plus longue qu’avant. Tout est déréglé cette année. »
En cause, en effet, le phénomène El Nino qui provoque un dérèglement climatique. Un enchaînement de fortes sécheresses puis de violentes précipitations. La Corne de l’Afrique a notamment été touchée par onze cyclones en deux ans. Dans la région Afar, on retrouve Maande Hussein, qui a toujours habité sur les bords du fleuve Awash. Il assiste à la reconstruction d’une des digues qui a lâchée au mois d’août : « C’est la première fois qu’il monte à ce niveau-là. Oui certes, il y a eu des inondations par le passé, mais elles ne détruisaient pas toute la vallée. On pouvait continuer à vivre. Là c’est incroyable, je n’ai jamais vu ça. »
L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et de l’agriculture prévient que la Corne de l’Afrique risque d’être confrontée à des événements climatiques de plus en plus violents et de plus en plus fréquents dans les années à venir.