C’était l’une des promesses de sa « révolution économique » : le président Nana Akufo-Addo, au pouvoir depuis quatre ans, voulait industrialiser l’économie ghanéenne. Entre 2016 et 2019, le secteur a enregistré une croissance de plus de 10%. Mais beaucoup reste encore à faire. Reportage à Casa de Ropa, l’une des rares fermes de patates douces du Ghana.
C’est une petite exploitation agricole au cœur du district de Gomoa, l’un des plus pauvres du Ghana. Ici, tout est fait sur place, du semis à l’assiette. Le riz, les légumes et les poulets seront consommés par les agriculteurs. Les patates douces, elles, sont destinées à la vente. Dans les immenses cuisines, la cheffe d’équipe explique ses multiples usages. « Avec les patates douces, on fait de la pâte à pizza, du pain, des croissants, des doughnuts, des gâteaux et des tartes… »
Ces pâtisseries seront vendues ou servies dans l’un des deux restaurants de Casa de Ropa, l’un à Cape Coast, l’autre à Accra. La ferme emploie 90% de femmes, qui vivent pour la plupart dans le petit hameau qui jouxte l’exploitation. Depuis sa création en 2015, la Casa de Ropa a créé 154 emplois, dans une région où les offres sont rares.
Favoriser au maximum la création d’emplois
La plupart des agricultrices survivaient jusqu’alors de la vente illégale de charbon. C’était le cas de Diana, désormais salariée. « Je travaille ici depuis cinq ans. Avant, j’avais une vie précaire, je ne pouvais pas mettre de l’argent de côté. Maintenant, j’ai un salaire tous les mois, je peux enfin m’occuper de mes enfants et les envoyer à l’école. »
La récolte n’est que partiellement mécanisée, explique le PDG de la Casa de Ropa, Ebenezer Obeng-Baffoe, pour favoriser au maximum la création d’emplois. « Les semis sont faits à la main, ça donne beaucoup de travail aux femmes ici. Ensuite, on utilise une machine qui retourne la terre, puis les femmes viennent les ramasser. On doit récolter une tonne de patates douces par jour. En deux ou trois heures, on a la quantité qu’il nous faut pour la journée. Et puis les patates sont pelées à la main. On a fait le choix de ne pas acheter une machine pour ça, afin de créer plus d’emplois. C’était le but de tout le projet. La mécanique, c’est pour l’efficacité, le manuel, c’est pour l’emploi. »
L’enjeu du secteur agroalimentaire au Ghana
L’agroalimentaire est un secteur crucial pour le Ghana. Le pays importe chaque année 2,5 milliards de dollars de produits agricoles, en particulier le riz, le blé et la volaille, et exporte une grande majorité de ses produits non transformés, donc sans valeur ajoutée : manioc, ignames et bananes plantains.
C’est pour remédier à cela que le président Nana Akufo-Addo a lancé en 2017 l’initiative One District One Factory, destinée à doter chaque district de sa propre usine pour amorcer l’industrialisation de l’économie ghanéenne. Un projet dont la Casa de Ropa est devenue l’un des fers de lance. « C’est la preuve que nous pouvons le faire. C’est juste un début. D’autres fermes commencent à suivre le même exemple. Notre but, c’est de réduire les importations pour créer une économie durable. Au Ghana, on ne sait pas faire d’avions ou de voitures, donc on doit en acheter. Mais par contre, on sait produire notre propre nourriture ! »
Mais la réussite de la Casa de Ropa n’est qu’un exemple isolé. Sur les 232 usines promises par le gouvernement de Nana Akufo-Addo, 76 seulement sont déjà construites et opérationnelles au terme de ce premier mandat. Les Ghanéens se rendront aux urnes ce lundi pour sanctionner, ou non, la réussite de cette « révolution économique ».