Le général nigérien Oumarou Namata, commandant la force conjointe du G5 Sahel, était ce mercredi 2 décembre en déplacement à Paris. RFI a pu le rencontrer en exclusivité. Le général Namata assure que la force conjointe, trois ans après sa création, a désormais atteint la maturité dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Si la présence militaire au Sahel s’internationalise avec l’arrivée progressive de la force européenne Takuba, le général Namata juge cependant prématurée une réduction du format de la force Barkhane évoquée ces derniers mois par certains observateurs.
RFI : Général Namata, l’activité de la force conjointe a été particulièrement soutenue ces dernières semaines. Vous avez participé aux côtés de Barkhane à l’opération « Bourrasque » dans la zone des trois frontières, quel a été votre rôle ?
Général Oumarou Namata : Bourrasque est une opération montée par Barkhane, notre mission a consisté a effectuer des couvertures, avec des ordres clairs d’interdiction de franchissement du fleuve Niger, qui constitue la frontière naturelle entre le Liptako et le Gourma. Lors de cette opération, nous étions amenés à constituer des groupes de combat mixtes Barkhane/Force conjointe, ce qui auparavant ne s’était jamais produit. L’intégration, l’harmonisation de nos actions est à saluer à ce titre.
L’État-Major conjoint à Niamey, avec la force Barkhane, prouve ainsi son efficacité ?
Le poste de commandement conjoint, qui est l’émanation du mécanisme de commandement conjoint, une directive politique issue du sommet de Pau en janvier dernier, a permis d’obtenir d’importants résultats non seulement en matière de coordination, mais surtout de mutualisation, ayant permis une certaine densification des ressources sur le terrain et une rapide réappropriation de la zone d’opération.
Sur le plan militaire, que manque-t-il à la force conjointe ? Des avions, du renseignement ?
La force conjointe fait face à certains défis notamment la composante aérienne : à cette heure nous n’en disposons pas alors que c’est un élément essentiel pour lutter contre les groupes armés terroristes dans une zone aussi vaste que le Sahel. Quant au renseignement, l’autre faiblesse de la force conjointe, nous nous basons essentiellement sur les ressources humaines, alors que la technologie permet d’avoir une certaine anticipation stratégique.
Sur le terrain comment manœuvre-t-on sept bataillons issus de cinq armées nationales ?
La force conjointe est actuellement composée de sept bataillons, un huitième est attendu. Ces troupes sont soutenues par leur chaine nationale et sont mises à la disposition de la force conjointe sous OPCON (Les contrôleurs opérationnels –OPCON- agissent par délégation du commandant opérationnel du chef d’état-major des armées). C’est sous ce niveau de commandement opérationnel que nous activons nos bataillons. Il s’agit simplement d’une question de coordination chaque fois que c’est nécessaire.
Ce 8e bataillon, qui sera un bataillon tchadien, est espéré depuis des mois, quand sera-t-il disponible pour agir dans la zone des trois frontières ?
Le huitième bataillon a fait l’objet d’une annonce forte par le président tchadien en personne, c’est un engagement présidentiel, nous y croyons. Il avait déjà pris son départ en mars 2020 à destination de la zone des trois frontières quand une situation indépendante de notre volonté a fait qu’il a été dévié de sa trajectoire, mais il est toujours attendu.
Le changement politique au Mali intervenu cet été pèse-t-il sur les troupes maliennes, sur leur motivation ?
Le changement politique au Mali, je peux vous l’assurer, du point de vue des opérations de combat, n’a eu aucun impact négatif sur l’engagement de la partie malienne. J’en veux pour preuve lors des audiences qui m’ont été accordées, aussi bien par le chef d’état-major, que son supérieur hiérarchique le ministre de la Défense, toutes ces autorités ont réitéré leur plein engagement dans le cadre du combat contre le terrorisme.
Le président Emmanuel Macron a récemment indiqué « qu’avec les terroristes on ne discute pas, on combat ». À vos yeux, avec le JNIM dirigé par le malien Iyad Ag Ghali, on combat ou l’on négocie ?
De manière générale, l’EIGS (État islamique au Grand Sahara) actuellement déstabilisé dans sa zone de prédilection, qui est le Liptako-Gourma, grâce à nos actions combinées Armées nationales-Barkhane-Force Conjointe, l’EIGS a perdu certaines de ses capacités. Mais il serait prématuré de dire qu’il n’est plus l’ennemi. Cependant, pour nous le combat continue vis-à-vis de tous les groupes armés terroristes. Donc, oui, nous surveillons le JNIM. Pour être plus clair, le RVIM ou le JNIM demeure notre ennemi.
Paris appelle a internationalisé la présence militaire au Sahel, notamment au travers de la force européenne Takuba. Redoutez-vous dans les prochains mois une réduction du format de la force Barkhane ?
Takuba est un prolongement capacitaire de la force Barkhane. Pour l’heure, l’apport de Takuba est certainement très bénéfique, mais Barkhane est un partenaire privilégié pour la force conjointe. Barkhane permet de compenser les déficits de nos forces armées nationales. Barkhane est un acteur clé dans la lutte contre le terrorisme. De ce fait, pour nous en tant que force conjointe, ce serait prématuré d’envisager cela et hasardeux pour le G5-Sahel.
Car le temps est avec nous…
Si le temps joue en votre faveur, à quel horizon pensez-vous pouvoir gagner cette guerre contre le terrorisme au Sahel ?
La lutte contre le terrorisme est un combat de longue haleine. C’est vrai, il y a eu des avancées. Mais la menace est toujours là. Il serait très hasardeux de me prononcer en terme de délai, mais nous croyons en la victoire !