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POLITIQUE

Le 1er décembre 1990, Idriss Déby prend le pouvoir au Tchad

Le 1er décembre 1990, Idriss Déby accédait à la magistrature suprême suite à un coup d’Etat renversant Hissène Habré. Voilà maintenant 30 ans que Idriss Déby, élevé l’été dernier au rang de maréchal, est à la tête du Tchad. Malgré les contestations politiques, son régime semble solidement installé. Son bilan, sur le plan institutionnel, est sujet à débat.

C’était il y a 30 ans. Le 1er décembre 1990, à la tête du Mouvement patriotique du salut, Idriss Déby s’empare de Ndjamena, une capitale abandonnée par son prédécesseur Hissène Habré dont les troupes ont été défaites par celles du MPS. Il troque son treillis pour un costume politique et devient le 4 décembre président du Conseil d’État. Hissène Habré, lui, se réfugie au Sénégal.

Vingt mois plus tôt, le 1er avril 1989, Idriss Déby et quelques compagnons en désaccord avec leur mentor Hissène Habré tentent un coup d’Etat. On trouve aux côtés d’Idriss Déby Mahamat Brahim Itno, ministre de l’Intérieur, et Hassan Djamouss, commandant en chef des forces armées tchadiennes. Mais le projet de putsch ayant été éventé, les trois compagnons et quelques dizaines d’hommes tentent de quitter le Tchad en direction du Soudan. Djamouss et Itno seront rattrapés et assassinés par l’appareil sécuritaire d’Hissène Habré.

Depuis le Soudan, le colonel Idriss Déby parvient à fédérer les différents mouvements d’opposition contre Hissène Habré et crée le 11 mars 1990 le Mouvement patriotique du Tchad dans la localité soudanaise de Bamina.

La France lâche HabréPendant ce temps, les relations entre Hissène Habré et la France se délitent. Le président tchadien refuse de se plier à l’injonction de son homologue François Mitterrand, qui a demandé dans un discours au sommet France-Afrique de La Baule en 1989 que les régimes en place en Afrique opèrent une ouverture démocratique s’ils veulent continuer à bénéficier du soutien de la France. Habré qui a décidé de défier l’ancienne puissance coloniale a signé son arrêt de mort en organisant son élection pour un septennat en décembre 1989. Des élections législatives ont permis la mise en place d’un Parlement qui n’a pas convaincu sur son caractère démocratique.

Selon d’autres analystes, c’est la volonté du président tchadien d’exploiter coûte que coûte le pétrole du Tchad avec l’appui des Etats-Unis, dont il était un des principaux alliés dans la lutte contre le Libyen Mouammar Kadhafi, qui est la cause de sa chute. Paris, qui considère le Tchad comme faisant partie de son pré-carré, voyait cela d’un mauvais œil. L’exploitation du pétrole par une puissance autre que la France serait d’ailleurs la raison de la chute du premier président tchadien François Tombalbaye, qui a eu le plus long règne (15 ans) à la tête de ce pays avant Hissène Habré.

Dès le printemps 1990, les forces armées nationales du Tchad (Fant), qui ne bénéficient plus de l’appui des forces françaises basées au Tchad, commencent à enregistrer des défaites militaires. Celles-ci vont s’accentuer tout au long de l’année 1990.

Au Soudan, le nouveau régime arrivé au pouvoir en 1989 se montre plus conciliant avec les rebelles tchadiens. C’est ainsi que le lieutenant Maldom Bada Abbass, leader du Mouvement pour le salut national du Tchad (Mosanat), emprisonné au Soudan, est libéré pour rejoindre la rébellion.

Plusieurs autres pays apportent leur soutien aux rebelles tchadiens en lutte contre le régime d’Hissène Habré : la Libye, le Togo, le Burkina Faso. Selon des membres de la rébellion, c’est d’ailleurs avec un passeport diplomatique burkinabè qu’Idriss Déby se rend à Amsterdam pour rencontrer les services français. Depuis les Pays-Bas, Idriss Déby s’engage à instaurer la démocratie et le multipartisme une fois au pouvoir tout en préservant les intérêts français.

30 ans après

Pour les sympathisants le Mouvement patriotique du salut (MPS), le 1er décembre 1990 marque un vent de liberté, après plusieurs années de dictature sous Hissène Habré. Depuis, de nombreuses réformes ont été faites pour introduire une forme d’ouverture des institutions, comme le souligne Abderrahmane Djasnabaille, un des ténors de la majorité présidentielle.

« Les fondamentaux de la démocratie sont là : la Constitution, la diversité au niveau associatif, il y a une multitude de médias… Donc, tout ça, ce sont des choses que nous avons pensé au départ, et aujourd’hui c’est une réalité ».

L’opposition dénonce, à l’inverse, une myriade de modifications institutionnelles, de nature à compromettre le jeu démocratique : suppression de la primature, du Conseil constitutionnel et de la Haute Cour de Justice. Trente ans plus tard, c’est toujours un régime militaire qui prévaut, dénonce Salibou Garba, leader de l’opposition, pour qui la nouvelle Constitution de 2018 marque une régression de plus.

« De tripatouillages en modifications, on a vidé la Constitution de sa substance. On a enlevé le Sénat, pas de centralisation qui devrait être mise en place de la parité, et finalement le verrou qui ne tient pas le nombre de mandats… On a fini par changer la République en instituant une sorte de monarchie ».

Sur le plan économique et social, le pays n’a pas connu de progrès majeurs, souligne cet opposant, inquiet par la récurrence de conflits intercommunautaires.

Malgré cela, le MPS prône la continuité et est déjà en ordre de bataille pour la présidentielle de 2021.

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