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Réactions

L’ONG HRW craint de voir la RDC «retomber dans les vieilles habitudes répressives»

L’ONG Human Rights Watch s’inquiète de la reprise de la répression qui touche les opposants, les manifestants et les médias en RDC depuis le début de l’année alors qu’en matière de droits de l’homme, de réelles avancées avaient été observées pendant la première année de mandat du président Tshisekedi. « Ces avancées semblent rapidement se dissiper », confie Thomas Fessy, chercheur principal pour la RDC chez Human Rights Watch.

RFI : Certaines pratiques, dites-vous, sont en train de revenir rapidement en RDC. Et cela vous inquiète…

Thomas Fessy : Oui. Notre recherche montre en effet qu’un certain tournant répressif a été amorcé en janvier cette année. Nous avons documenté de nombreux cas d’abus comme des menaces, des intimidations, même des arrestations arbitraires parfois assorties de poursuites judiciaires. Il y a beaucoup de journalistes, d’activistes pacifiques ou de membres de partis politiques qui sont concernés par cette répression. On a également observé pendant près de quatre mois d’état d’urgence décrété en raison de la pandémie de Covid-19, que ces mesures avaient parfois été utilisées comme prétexte pour limiter ou réprimer les manifestations pacifiques et qu’il y avait eu un usage excessif de la force contre les manifestants. Donc, notre inquiétude est aussi une forme de sonnette d’alarme pour dire : attention, le risque est que si cette tendance n’est pas tout de suite enrayée, on puisse retomber vraiment dans les vieilles habitudes répressives de l’administration précédente.

Et les journalistes ne sont pas épargnés…

Exactement. Sur tous les cas que nous avons documentés, près de la moitié sont des journalistes. Les menaces ou intimidations viennent parfois directement de l’entourage du gouverneur de province par exemple. Lorsqu’un journaliste est arrêté pour avoir fait telle ou telle interview, puis est interrogé par les services de renseignements qui lui confisquent ses enregistrements comme nous l’avons documenté à Matadi par exemple, c’est un gros problème. Lorsqu’un journaliste ou un activiste reçoit des messages de menace à leur encontre ou contre leur famille de la part d’autorités, des gouverneurs ou parlementaires, c’est un problème. Lorsque les autorités d’une province ferment des radios, interdisent des programmes ou ordonnent même de radier des journalistes de la profession, c’est un gros problème. Et le président Tshisekedi a répété son engagement pour que la presse devienne le quatrième pouvoir du pays. Pour cela, il faudrait que les journalistes puissent faire librement leur travail et la loi devrait être révisée pour que les sanctions si elles ont lieu d’être soient proportionnées.

Ils sont la plupart du temps poursuivis pour outrage à l’autorité de l’État. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils dénoncent la mauvaise gestion dans leur province ?

C’est en effet l’offense qui revient le plus. Et donc, le point commun de toutes ces victimes est qu’elles se retrouvent accusées ou reconnues coupables d’avoir critiqué les politiques du gouvernement ou des administrations provinciales, y compris sur les réseaux sociaux. Un jeune activiste de Mbandaka par exemple, dans l’ouest du pays, a passé près de six mois en prison pour avoir critiqué la politique provinciale. Il vient à peine d’être libéré. Sur les cas de notre recherche, deux sont encore derrière les barreaux : un porte-parole de parti politique emprisonné à Bukavu pour avoir critiqué la politique de l’administration provinciale et un autre membre de parti politique à Kinshasa qui, lui, a été condamné à 18 mois de prison pour outrage au chef de l’État. Nous avons recensé de tels cas dans 13 provinces. Donc, c’est la moitié du pays et nous savons qu’il y a encore beaucoup de cas à documenter. Donc, c’est vraiment une tendance générale.

Au niveau de l‘armée, John Numbi qui est soupçonné de l’assassinat de Floribert Chebeya, président de l’ONG des droits de l’homme La Voix des sans Voix (VSV), retrouvé mort le 2 juin 2010, vient d’être écarté, il n’a plus de poste à responsabilités. Est-ce que vous pensez que c’est un pas dans la lutte contre l’impunité ?

Il est probablement encore un peu tôt pour juger du jeu de chaises musicales auquel s’est livré Tshisekedi pour manier l’état-major des armées. On pourrait évidemment se dire que si John Numbi n’a plus de fonction, c’est qu’il a été écarté. Mais on ne sait pas quel rôle il continuera de jouer. Son influence peut continuer sans être pour autant un poste officiel, notamment de par sa proximité avec l’ancien président [Joseph] Kabila. Il y a aussi le fait qu’il a été remplacé par un autre général sous sanctions, le général [Gabriel] Amisi-Tango Four, impliqué lui aussi dans de graves violations de droits humains. Et d’autres hauts gradés, également sous sanctions, ont été promus. Donc, le pas dans la lutte contre l’impunité ici est à nuancer.

À propos de la situation dans les prisons, vous vous étiez beaucoup inquiété pour la survie même des prisonniers avec cette épidémie du Covid. Est-ce que l’État congolais a fini par verser de quoi nourrir ses prisonniers ?

Malheureusement, cela reste un gros problème. Le décaissement des budgets alloués aux prisons ne vient toujours pas et ce depuis janvier. Ce qui veut dire que c’est le système de la débrouille en gros. Les directeurs d’établissements pénitentiaires sont obligés de demander des crédits aux fournisseurs. Ils accumulent les dettes, c’est intenable. Les détenus dépendent aussi beaucoup des colis de nourriture livrés par leur famille et certains établissements avaient interdit cela ces derniers mois en raison de la pandémie. Une partie de détenus se retrouvait donc sans rien. Et c’est un peu partout dans le pays. On s’organise localement. Des organisations participent ou les églises dépannent pour quelques jours ou une semaine çà et là. Cela ne règle pas le problème et la malnutrition est exponentielle dans bon nombre de prisons à travers le pays.

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