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Coronavirus: «Pic à Paris jeudi ou vendredi»

Combien de temps va durer l'épidémie du coronavirus en Europe et en Afrique ? Le docteur Massamba Sassoum Diop, qui préside SOS Médecins Sénégal et la Société sénégalaise d'anesthésie, de réanimation et de médecine d'urgence, exerce à la fois à Dakar et à Paris. Selon lui, le pic à Paris pourrait avoir lieu jeudi ou vendredi prochain.  En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

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Comment expliquez-vous que le Sénégal soit l’un des pays les plus touchés du continent ?

Massamba Sassoum Diop : Alors hors Afrique du Nord bien sûr, on a eu ce phénomène qui s’est passé, c’est-à-dire que c’était stable pendant presque une dizaine de jours avec 4 cas. Et puis finalement, il y a eu un rassemblement religieux à Touba avec un patient qui est venu entre autres d’Italie. Et effectivement, à ce moment-là, ce patient, qui avait une charge virale manifestement très importante, a transmis cette fois-ci le virus à un nombre beaucoup plus important, puisqu’aujourd’hui nous sommes à 24 cas. En sachant que dans ces 24 cas, il y a en deux autres qui sont hors cette transmission-là.

Il faut préciser que, pour l’instant, personne n’est décédé…

Non. C’est aussi très important, y compris le deuxième patient qui avait 80 ans, la troisième qui avait 68 ans, aucun n’est décédé.

Le patient qui est tombé malade dans la ville religieuse de Touba venait donc d’Italie. Est-ce que les gens qui viennent de certains pays portent un virus plus virulent que d’autres coronavirus ?

C’est un petit peu une discussion : est-ce que ce virus a muté dans la mesure où finalement, les quatre premiers patients n’ont transmis à aucun sujet contact, donc des personnes contacts très proches puisque le premier patient, que nous-mêmes d’ailleurs nous avions isolé, avait deux enfants, une épouse, des employés de maison, et personne n’a été infecté. Alors que là, ce dernier patient initial a transmis de façon extrêmement rapide. Cela veut bien dire qu’il a l’air d’être nettement plus virulent, avec donc une charge virale beaucoup plus élevée. Est-ce que c’est lié à une forme de mutation ou est-ce que c’est simplement un hasard ? En tout cas, ce sont les virologues qui vont nous l’expliquer dans le temps et qui vont nous le permettre de le savoir.

Interdiction des rassemblements religieux, suspension des cours dans les écoles, annulation des cérémonies du 4 avril pour marquer le 60e anniversaire de l’Indépendance. Que pensez-vous de toutes ces mesures décidées par le pouvoir sénégalais ?

Étant donné ce qui s’est passé justement à Touba, on peut dire que c’est exactement la mesure qu’il fallait prendre, mais sur le plan national.

L’Afrique subsaharienne est nettement moins touchée que l’Europe et l’Asie. Est-ce que c’est rassurant ou pas ?

On entendait justement des fausses rumeurs qui circulaient et qui disaient que l’Africain n’était pas touché, qu’il était carrément indemne. On voit à quel point bien évidemment c’était ridicule. Et là, le virus est venu d’Asie, il a fait une escale en Europe, parce qu’il n’y a pas de ligne directe qui va en Afrique par avion. Et du coup, le temps qu’il fasse son escale, qu’il visite si j’ose dire l’Europe, et ensuite pour tout simplement redescendre en Afrique. C’est ce délai-là qui fait qu’aujourd’hui, on a des cas en Afrique. Donc, en aucun cas, on pourrait se dire que l’Afrique est exempte, la preuve est là. Et ce qui est à craindre maintenant, et vraiment à craindre là, c’est qu’on se retrouve à avoir la même cinétique, voire un peu plus si les mesures ne sont pas prises, qu’en Italie, qu’en France, qu’en Angleterre, qu’en Espagne. Et ces mesures servent à ça.

D’où les premiers cas diagnostiqués ce week-end au Congo, au Rwanda, en Centrafrique, au Kenya, dans d’autres pays. Quand vous parlez de cinétique, voulez-vous parler de cette courbe exponentielle que l’on voit en Italie et en France ?

Exactement. C’est-à-dire que ce virus se transmet trois fois plus vite que la grippe normale. Et c’est ça qui fait un peu sa dangerosité. Et en fait, on se retrouve à avoir dans un temps très court beaucoup de patients qui sont touchés. Même si ces patients ne sont pas, à part les personnes âgées, des cas individuellement très graves, on se retrouve à avoir un tel flux de patients qui arrivent aux urgences, avec en plus au milieu de ceux-là statistiquement même des 35-40-45 ans qui peuvent aussi faire des formes graves. Et au bout, le nombre total entraîne ce danger avec cette désorganisation totale des systèmes de santé. En Italie, ils sont en train de choisir qui ils vont réanimer et qui ils ne vont pas réanimer. Théoriquement, on pensait que ce n’était pas possible dans un pays du Nord. Et c’est ce qui arrive aujourd’hui. Et au milieu de ça, il y a effectivement quelques jeunes, et c’est la particularité -et c’est pour cela que par rapport à l’Italie, c’est un peu spécial-, il y a eu un petit plus de jeunes qu’en Chine. Par exemple, la Chine a un seul décédé de moins de 15 ans alors qu’on commence à avoir des 35-40 ans, en Italie. Et donc, cette cinétique-là, cette courbe exponentielle, c’est ce qu’il faut casser. Il faut arriver à lisser cette courbe pour diminuer cette transmission et permettre finalement de pouvoir gérer le nombre de cas.

Est-ce que l’Italie et la France ont pris leurs mesures trop tard ?

L’Italie, c’est évident vu ce qui s’est passé, c’est sûr que les mesures de confinement n’ont pas été les bonnes, à temps. La France, et pour ça avec le décalage, la France est sur la courbe. La France sait qu’il faut dès maintenant faire ces mesures. Et c’est pour cela qu’elles ont été annoncées et qu’elles semblaient peut-être extrêmement fermes, mais c’est pour éviter de se retrouver dans un pic comme celui que vit aujourd’hui l’Italie.

Donc, le pari pour la France, et peut-être demain pour le Sénégal, c’est d’aplatir cette courbe…

Exactement. À partir de ce moment-là, ça devient gérable, presque, je dis bien presque, comme une grippe normale.

Vous exercez à Dakar, mais aussi à Paris. D’ici combien de temps pensez-vous que la courbe va pouvoir s’aplatir en France ?

Alors on peut espérer, si les mesures qui sont prises sont vraiment respectées, qu’au bout de trois semaines, un mois, on ait un vrai aplatissement, et qu’il n’y ait pas une résurgence avec un virus qui aurait muté. Mais aussi, on pense que cette semaine, à savoir probablement jeudi et vendredi, on risque d’avoir quand même le pic en France, sur Paris bien sûr. L’Alsace ayant déjà fait sa courbe avec son pic.

L’Alsace ayant, si j’ose dire, quelques jours voire une semaine d’avance sur Paris…

Exactement. Il semble que l’Alsace, à part la zone nord de Paris, l’Alsace a effectivement une avance. Et c’est très intéressant de suivre les courbes alsaciennes pour avoir une idée de ce qui peut se passer en tout cas sur Paris.

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