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«Luanda Leaks»: Sindika Dokolo, son empire à l’ombre des dos Santos

Alors que la justice angolaise gèle les avoir de proches de José Eduardo dos Santos, la fuite de plus de 715 000 documents confidentiels éclaire sous un jour nouveau les relations d’affaires entre Isabel dos Santos, fille de l’ex-chef d’État, et son mari Sindika Dokolo. Selon les « Luanda Leaks », la dernière enquête coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), le mari joue un rôle de premier plan dans les affaires du couple. Portrait réalisé en collaboration avec Joan Tilouine du journal Le Monde.

Sindika Dokolo aimerait ne parler que des œuvres d’art africain qu’il collectionne. C’est une passion et son pinceau idéal pour composer la toile qui recouvre ses véritables activités : diamants, pétrole, brasserie, cimenterie, immobilier… À 47 ans, ce dandy danois d’origine congolaise orchestre un empire et une fortune acquise grâce à son épouse, Isabel dos Santos, elle-même milliardaire grâce à son père, l’ancien président angolais, José Eduardo dos Santos (1979-2017). Le couple, volontiers disert pour vanter l’émergence du continent et les vertus des oligarques africains, gère en réalité près de 450 sociétés discrètes aux pratiques de plus en plus dénoncées. Elles sont le plus souvent offshore, choisies pour garantir leur optimisation fiscale, saint Graal de tous les producteurs de dividendes.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Joao Lourenço en 2017, sa longue lune de miel avec l’État angolais est terminée. Lui qui pensait avoir trouvé une éternelle martingale se retrouve soupçonné, tout comme son épouse, de détournements massifs de fonds publics. « C’est une chasse aux sorcières purement politique, dit Sindika Dokolo. Je suis comme un mouton dans le couloir de l’abattoir. »

Pour la première fois, l’esthète se retrouve mise en cause pour ce qui a toujours fait son succès en affaires : s’être allié à des compagnies d’État pour bénéficier de fonds publics et privés qui sont ensuite distillés dans un lacis de circuits financiers offshore.

L’État a-t-il été lésé ?

La société diamantifère d’État angolaise, Sodiam, s’estime aujourd’hui bernée, mais c’est Sindika Dokolo qui, affaibli, l’attaque. Fin 2019, il s’est tourné vers une cour internationale d’arbitrage de Londres chargée de trancher sur un préjudice qu’il estime à 120 millions de dollars. Son association avec Sodiam aura pourtant sans doute été l’un de ses plus jolis coups. Elle démarre en 2012. À Luanda, on ne refuse alors rien à l’ambitieux gendre du président. La société diamantifère d’État investit à ses côtés dans De Grisogono, joaillier suisse aux pertes pourtant chroniques. Sa femme Isabel raffole des créations glamour punk chic et des folles soirées à Cannes. Lui se contente de dire avoir noué une « relation d’amitié » avec le PDG et fondateur italo-libanais, Fawaz Gruosi. Et toutes les portes s’ouvrent. Ce n’est pas seulement Sodiam qui met la main au portefeuille. La banque BIC, contrôlée en partie par Isabel dos Santos, octroie à la société diamantifère 120 millions de dollars de prêts - aujourd’hui jugés désavantageux par l’État angolais.

Des diamants De Grisogono dans une vitrine à Berverly Hills, USA, février 2018. © Charley Gallay / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

L’affaire Sodiam illustre à elle seule la méthode Dokolo. Pour lever des fonds publics et privés, l’homme d’affaires et collectionneur d’art a créé une joint-venture (filiale commune entre deux ou plusieurs entreprises) avec Sodiam. Elle s’appelle Victoria Holding Limited et est domiciliée à Malte. Mais lui avance toujours masqué. Il recourt à une société, Exem Holding AG, établie à Zoug, en Suisse, qui est actionnaire unique de Melbourne Investments BV, enregistrée aux Pays-Bas. Et c’est cette dernière qui sera utilisée pour acquérir 50% de Victoria Holding Limited, selon les « Luanda Leaks », la dernière enquête coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) dont Le Monde et Radio France Internationale (RFI) sont partenaires.

Selon les 715 000 documents auxquels nous avons eu accès, rien n’indique que la société finalement utilisée par M. Dokolo, Melbourne Investments BV, n’ait apporté comme financement initial plus de 4 millions de dollars pour rafler la moitié des actions de cette joint-venture avec Sodiam. La compagnie diamantifère, elle, éponge les dettes du joaillier sans s’insérer dans sa gestion. Ce que démentent ses dirigeants aujourd’hui encore qui revendiquent 115 millions de dollars investis par Sindika Dokolo et ses différentes sociétés. Plus surprenant, dans un tour de passe-passe, cet argent a transité par une autre société de « consultance » de M. Dokolo enregistrée aux îles Vierges britanniques. Cette dernière, Almerk, bénéficie d’un bonus de 5 millions de dollars octroyé par Victoria Holding Limited pour avoir facilité le rachat de De Grisogono, coquette somme qui lui sert financer l’achat de ses parts. C’est la beauté des montages financiers du dandy de Luanda, l’argent se perd et se retrouve toujours.

À l’arrivée, leur coentreprise détient 87% du capital de De Grisogono, 45% sont entre les mains de Sindika Dokolo lui-même. C’est encore derrière sa passion pour l’art qu’il se réfugie. « Le offshore, ce n’est pas un souci pour moi, car ce sont des outils légaux, expliquait M...   

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