Après la mort de treize soldats français de la force Barkhane dans la collision de leurs hélicoptères, lundi soir dans le nord du Mali, les hommages aux victimes ont afflué dans les classes politiques des deux pays. Accompagnés, pour certains, d’une remise en cause de la présence de troupes françaises au Sahel.
En France, les plus hautes instances politiques et militaires – chef de l’État, ministre et chef d’état-major des armées – ont salué l’engagement des treize soldats morts dans l’accident.
Même unanimité dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale qui a respecté une minute de silence.
Soutenue par la majorité, la droite et les socialistes, l’opération Barkhane est actuellement la plus importante opération extérieure de l’armée française avec 4 500 hommes déployés.
C’est en particulier du côté de La France insoumise que des voix discordantes se sont élevées pour interroger la pertinence de poursuivre cette opération, en cours depuis 2014.
Pour Jean-Luc Mélenchon, les six ans de présence militaire française sont un échec : « Il faut que le peuple malien soit maître de la décision. Ce n’est pas à nous les Français de décider ce qui est bon et ce qui ne l’est pas pour le Mali. »
Le parti d’extrême gauche demande donc un débat.
À un moment donné, il faudra bien que l’on s’interroge sur ce que l’on fait au Mali, parce qu’on ne comprend plus vraiment les raisons de notre présence là-bas et les Maliens ne la comprennent pas plus […] Le souhait que de jeunes Français n’aillent plus mourir au Mali pour des raisons que l’on ignore en réalité. On doit pouvoir en tout cas en débattre de manière démocratique au niveau de l’Assemblée nationale.
Un débat immédiatement balayé par le Premier ministre Edouard Philippe, interpellé à l’Assemblée : « C’est un très long combat dont la dimension militaire n’est pas la seule dimension, nous le savons parfaitement. Mais elle est indispensable. »
La question semble avoir trouvé un écho au Mali. Si le président Ibrahim Boubacar Keïta a rendu hommage aux militaires morts en rappelant les raisons profondes de leur présence…
Aujourd’hui encore, nous avons à déplorer la mort de treize jeunes Français venus au Sahel pour y défendre les valeurs qui nous sont communes, de paix, de tolérance, de vivre ensemble, pacifiques. Le Mali est un pays reconnaissant, le Mali sait ce qu’il coûte à ce pays-là d’envoyer ses enfants au Sahel pour la défense de ces causes-là : la cause de la paix, l’anti-terrorisme, et également la promotion du développement et de la démocratie dans nos espaces. C’est tout cela que ces jeunes gens-là étaient venus défendre. Donc leur mort ne saurait jamais nous laisser indifférents. Mieux : nous sommes en empathie totale avec la France et les familles de ces jeunes gens disparus.
Pour le porte-parole du gouvernement du Mali, Yaya Sangaré, un affaiblissement du dispositif français sur le terrain ne serait pas la solution.
Ils sont morts pour la France, ils sont morts pour le Mali, pour la paix, pour la liberté pour tout le Sahel […] Nous implorons Dieu pour que leur mort ne soit pas vaine et nous pensons que cela va donner plus de courage, plus d’engagement aux autres pour que nous puissions vaincre le terrorisme définitivement.
Réaction également chez le voisin burkinabè, lui aussi en proie au terrorisme, en forte recrudescence ces derniers mois. Sur Twitter, le président Roch Marc Christian Kaboré a « salué » hier la « mémoire » des soldats disparus et « adresse (ses) sincères condoléances à leurs familles ainsi qu’à l’ensemble du peuple français ».
Dans la soirée, Alpha Barry le ministre des Affaires étrangères burkinabè s’est dit rassuré par les propos de la ministre française des Armées estimant que l’heure n’est pas « au questionnement sur le bien-fondé » de l’engagement militaire au Sahel car selon lui l’engagement de Paris aux côtés des armées du Sahel dans la lutte contre le terrorisme est essentiel.
On entend les mêmes voix [de protestation contre la présence française] au Burkina Faso. Cet engagement, je vous le dis, de 2017 à aujourd’hui, c’est une vingtaine d’évacuations sanitaires à notre demande, des interventions sur le terrain comme récemment à Djibo avec la sécurisation de la ville lorsqu’elle était menacée. Ca ce sont des choses concrètes qui sont importantes pour notre défense. Maintenant, les clameurs, on les entend, le débat peut être normal, mais la réalité est celle-là.