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Sahel: causes et enjeux d’un «désastre» annoncé

La flambée de violences au Mali et au Burkina Faso est au cœur des débats de la sixième édition du Forum de Dakar, qui s’est ouverte ce 18 novembre dans la capitale sénégalaise. La crise sécuritaire que ces pays sahéliens connaissent est symptomatique d’une déroute plus étendue et plus fondamentale, selon le chercheur Alain Antil (1). Entretien.

RFI : Alain Antil, vous avez une formation de géographie politique et vous êtes spécialiste du Sahel. Vous avez publié cette année dans la revue Politique étrangère une étude très remarquée sur les pays du Sahel, intitulé « Sahel : soubassements d’un désastre ». Vous êtes plutôt pessimiste sur le devenir de ces pays. Pourquoi ?

Alain Antil : Mon étude porte sur une partie des Etats sahéliens, à savoir les Etats-membres du G5 : la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso. Dans ces pays, on assiste à ce que j’appelle une « déprise » de l’Etat sur son propre territoire, phénomène particulièrement prononcé au Burkina Faso et au Mali. Face à la flambée de violences terroristes que ces pays connaissent, les représentants des Etats ont parfois abandonné les zones de conflit. Ils n’assurent plus ni leurs tâches régaliennes de défense et de sécurité du territoire ni leurs attributions sociales en matière notamment d’éducation et de santé. Dans mon étude, je fais référence à cette incapacité des Etats sahéliens à régler les problèmes de leurs populations, à laquelle s’ajoutent les fondamentaux démographiques et économiques qui sont particulièrement préoccupants, laissant craindre une dégradation de la situation. Voilà pourquoi je suis plutôt pessimiste sur le devenir de ces pays au cours de la prochaine décennie.

Selon les dirigeants des pays incriminés, la détérioration de leur situation sécuritaire est la conséquence de l’effondrement du régime libyen et la dissémination de ses armes et ses arsenaux à travers tout le Sahel. Qu’en pensez-vous ?

Il y a une conjonction de raisons qui, depuis 2012, ont contribué à cette accentuation de violences dans les pays du Sahel. Au Mali, par exemple, le gouvernement a un problème avec la partie nord du pays depuis l’indépendance. Dès 1963-64, ce pays a connu les premières rébellions, suivies des revendications plus ou moins violentes par des mouvements autonomistes. Bien évidemment, le pays a aussi subi le contrecoup de l’effondrement du régime libyen, avec une circulation accrue des armes venues des arsenaux libyens dans les espaces sahéliens, tout comme d’ailleurs les armes libyennes ont pu pénétrer d’autres espaces. La dissémination des armes libyennes ainsi que le retour au bercail à partir de la fin de l’année 2011 de militaires d’origine malienne de l’armée de Kadhafi, ont accentué les tensions et les déséquilibres pré-existants. Dans ces conditions, expliquer ce qui se passe aujourd’hui au Sahel par le seul facteur libyen, est exagéré, à mon avis. D’autant que l’extension de violences que connaissent ces pays s’accompagne d’une hybridation de conflits et une diversification de la palette de violences. Certes, la terreur perpétrée par les jihadistes est une réalité, mais force est de reconnaître que les attaques jihadistes ne sont pas responsables de 100% des victimes qu’on déplore d...   

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