Une commission de chercheurs va se pencher sur les archives françaises relatives aux événements de 1994 au Rwanda. Les noms qui composent cette commission ont été dévoilés jeudi 17 octobre. Mais la liste est toujours sous le feu des critiques.
Emmanuel Macron avait annoncé la création de cette commission au début du mois d’avril, soit au moment de la commémoration du génocide rwandais. L’objectif officiellement affiché est d’« analyser le rôle et l’engagement de la France au cours de cette période ».
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La liste a été établie (lire plus bas). Elle sera composée de quinze membres : des historiens, des professeurs de droit ou encore un président de section au Conseil d’État. Des gens reconnus et qualifiés dans leur domaine, certes. Pourtant, aucun spécialiste du Rwanda, c’est toujours la critique adressée par le chercheur Christian Ingrao qui avait déjà lancé une pétition en avril pour dénoncer l’exclusion de deux experts :
« Ces gens sont reconnus dans leur domaine, il n’en reste pas moins qu’une commission qui travaille sur un génocide qui a été commis au Rwanda et sur l’intervention d’une puissance étrangère soit compter des spécialistes des contextes locaux, qu’il est impensable de mettre en place ce type de commission sans quelqu’un qui parle les langues locales. »
En face, le président de la commission, Vincent Duclert, assume la composition établie, dit-il, après des échanges avec l’Élysée. Mais pour lui, les intéressés sauront sans aucun doute s’emparer d’un dossier nouveau pour eux. D’autant que cela se justifie selon lui par l’objet de la commission, à savoir précisément le rôle de la France et de ses institutions face au génocide rwandais. Et puis « le milieu des spécialistes du génocide des tutsis au Rwanda est aussi un milieu clivé, il y a des tensions, et je souhaitais ne pas mettre la commission dans ces clivages parfois assez vifs ».
Mais Vincent Duclert l’affirme : les spécialistes du Rwanda ne sont pas oubliés pour autant, ils seront consultés. Quoi qu’il en soit les travaux de cette commission aboutiront sur un rapport qui doit normalement être rendu public fin mars ou début avril 2021.
Les membres de cette commission ont reçu une habilitation pour accéder à l’ensemble des archives classifiées sur le sujet. Donc des moyens considérables sont accordés à cette commission de chercheurs. Cette habilitation est décidée par l’exécutif et ne peut bénéficier qu’à des chercheurs français. Il y a de la part de l’exécutif une avancée considérable que, je tiens à le dire, aucun autre président de la République n’avait consenti à faire jusque-là. Donc il y a un échange avec la présidence de la République mais les noms, je les ai proposés et j’assume tout à fait cette proposition.
À noter que la spécialiste de la Shoah Annette Wievorka a renoncé à faire partie de cette commission. Chez nos confrères de La Croix, elle explique que c’est principalement au regard de la masse de travail. « Il s’agit de dépouiller toutes les archives militaires, diplomatiques, présidentielles de la France au Rwanda sur quatre années, c’est juste considérable » a-t-elle déclaré.
■ La composition de la commission
Composition de la commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi (1990-1994)
M. Vincent DUCLERT, chercheur et ancien directeur du CESPRA (CNRS-EHESS), enseignant à l’EHESS, inspecteur général de l’éducation nationale, président de la Commission
Mme Julie D’ANDURAIN, professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Metz, spécialiste d’histoire militaire contemporaine
Mme Catherine BERTHO-LAVENIR, professeure émérite de l’Université Sorbonne-Nouvelle, inspectrice générale de l’éducation nationale honoraire, archiviste paléographe
M.Thomas HOCHMANN, professeur de droit public à l’Université de Reims Champagne-Ardenne
Mme Sylvie HUMBERT, professeure d’histoire du droit à l’Université catholique de Lille, spécialiste de la justice pénale internationale
M. Raymond H. KEVORKIAN, directeur de recherche émérite à l’Université de Paris 8, spécialiste du génocide des Arméniens, membre de la Mission d’étude en France sur la recherche et l’enseignement des génocides des crimes de masse
Mme Françoise THEBAUD, professeure émérite en histoire contemporaine de l’Université d’Avignon, spécialiste de la Grande Guerre, des femmes et du genre
M. Christian VIGOUROUX, président de section au Conseil d’État, ancien professeur associé de droit public aux Universités de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
Secrétariat général et chargé (e) s de mission :
Mme Chantal MORELLE, professeure en classes préparatoires, docteure en histoire contemporaine, spécialiste de la Ve République, de sa diplomatie et du général de Gaulle
M. David DOMINE-COHN, professeur certifié d’histoire-géographie, spécialiste des archives des armées et des opérations militaires
Mme Isabelle ERNOT, professeure d’histoire-géographie détachée, docteure en histoire contemporaine, spécialiste de la Shoah, membre de la Mission d’études en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse
Mme Christelle JOUHANNEAU, inspectrice d’académie-inspectrice pédagogique régionale stagiaire, agrégée d’histoire-géographie, spécialiste des questions éducatives
M. Erik LANGLINAY, professeur agrégé d’histoire, docteur en histoire contemporaine, spécialiste des organisations en temps de guerre
M. Guillaume POLLACK, professeur certifié d’histoire-géographie, doctorant, spécialiste des archives réseaux de résistance et des services secrets
Mme Sandrine WEIL, doctorante en histoire contemporaine, spécialiste des ressources images, photos et vidéos, membre de la Mission d’études en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse