Désengorger les prisons surpeuplées de Madagascar. C’est le message de nombreuses organisations de défense des droits humains aux autorités. Des prisons bondées notamment à cause de détentions provisoires abusives.
Sur la Grande Ile, 55% des détenus n’ont pas été jugés et sont donc toujours présumés innocents d’après un rapport d’Amnesty International. Mardi, c’est le grand public que l’ONG a voulu sensibiliser.
Dans la grande salle de cinéma du quartier d’Ampefiloha dans le centre de la capitale les images du film « 28 ans plus tard » défilent. L’histoire poignante d’Emma Ramamonjisoa, institutrice pour enfants en difficulté, détenue pendant 5 mois sans jugement pour des faits qu’elle n’a pas commis. « Je ne pensais pas qu’il y avait un enfer comme ça à Madagascar. J’étais au violon avec cinq hommes et on a essayé de me violer. Après, en prison aussi j’ai vu beaucoup d’horreurs. Le traitement est le même pour les prisonniers condamnés et les prisonniers en détention préventive, comme si tu es déjà condamné. »
Ce film est du réalisateur et photographe malgache Fifaliana Nantenaina, le fils d’Emma. « Je n’avais que deux mois quand ma mère m’a été prise. Pendant son incarcération, je faisais des allers-retours à la prison pour être allaité. 28 ans plus tard, je me rends compte de ce drame. Cet engrenage de la justice qui ne fonctionne pas et qui détruit plusieurs personnes, c’est toujours d’actualité et c’est ce qui est désolant. »
Les grâces du président Rajoelina
Une histoire miroir de celles de centaines d’autres Malgaches victimes du dysfonctionnement de la justice. Il y a trois semaines, le président de la République Andry Rajoelina, en marge du lancement de la construction d’une nouvelle prison, a promis de gracier certains prisonniers.
Une première bonne étape pour Tamara Léger, chargée de programme pour Madagascar à Amnesty International. « Il ne faut pas s’arrêter là parce que c’est une mesure à court terme. Si le système continue avec les arrestations sans enquêtes assez approfondies, si les magistrats continuent de donner des mandats de dépôt quasi-systématiques, nous allons nous retrouver dans la même situation dans quelques mois. Les prisons vont continuer à être complètement surpeuplées. Donc, il faut accompagner cette mesure d’autres mesures à plus long terme, c’est-à-dire un changement dans la pratique et dans les lois pour faire en sorte, par exemple qu’à 13 ans, on ne puisse plus se retrouver derrière les barreaux sans avocat parce qu’on est accusé d’un vol de cacahuète. »
Pour l’heure, ni le nombre de détenus graciés ni la date de cette grâce présidentielle ne sont connus.