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Les succès relatifs du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, Nobel de la paix

Depuis sa prise de fonction, le Premier ministre éthiopien n’a pas ménagé sa peine pour pacifier la Corne de l’Afrique. Abiy Ahmed a engrangé quelques succès, qui restent cependant parfois incomplets. Sur le plan intérieur, son réformisme lui a aussi attiré des adversaires.

C’est une diplomatie active, volontariste, dynamique qu’a engagée Abiy Ahmed. Le Premier ministre a multiplié les rencontres bilatérales, tripartites, les sommets et les voyages chez ses voisins, participant à une détente générale. Il s’est construit une bonne réputation, en dehors de ses frontières.

Après la paix, l’Érythrée est revenue dans le concert des nations, avec une levée des sanctions onusiennes il y a un an.

Abiy Ahmed a également permis en juin 2018, la première rencontre depuis trois ans entre le président sud-soudanais Salva Kiir et le chef rebelle Riek Machar. Ce sommet a jeté les bases de l’accord de paix d’Addis Abeba trois mois plus tard.

Abiy Ahmed a reçu un sommet entre l’Érythréen Afeworki et le Somalien Farmajo, alors qu’Asmara était accusé depuis longtemps de soutenir les islamistes shebabs. Il a facilité des rencontres les présidents somalien, kenyan, érythréen et djiboutien.

« Il a augmenté l’importance géostratégique éthiopienne. Ça a permis au pays d’accéder à des soutiens financiers et à améliorer son image », analyse le chercheur Awol Allo.

Le journaliste néerlandais d’origine éthiopienne Habtom Yohannes renchérit : « Il a eu le courage de mettre un terme à une impasse politique, un conflit armé, entre l’Éthiopie et l’Érythrée, qui durait depuis 18 ans. Ce conflit avait paralysé les relations économiques et politiques, non seulement entre l’Éthiopie et l’Érythrée, mais également entre tous les pays de la Corne de l’Afrique. Cette initiative a permis de résorber les tensions dans la région, entre l’Érythrée et Djibouti, entre l’Érythrée et la Somalie, sans parler du rôle que le Premier ministre Abiy Ahmed a joué en tant que médiateur au Soudan, une médiation qui a très bien réussi. Il ne faut pas oublier, non plus, qu’en Éthiopie même, il a libéré des milliers de prisonniers politiques, y compris de nombreux confrères journalistes. Il leur a rendu leur liberté du jour au lendemain. »

Des avancées bloquées

Mais pour certains, les résultats du Premier ministre éthiopien restent limités. Pour un autre spécialiste, Abiy Ahmed cherche d’abord à augmenter les partenariats et les investissements. Or pour cela, il faut une paix régionale.

Il y a un an quasiment jour pour jour, RFI vous emmenait à la frontière éthio-érythréenne. Dans le village de Zala Anbesa, deux soeurs se retrouvaient après deux décennies de séparation forcée. Les commerçants étaient enthousiastes.

Mais en décembre 2018, l’Érythrée a refermé cette porte, demandant des permis de voyage aux Éthiopiens. En avril dernier, ce sont l’ensemble des points de passage qui étaient fermés, des postes-frontière utilisés depuis l’ouverture par des milliers de réfugiés érythréens pour fuir leur pays.

Avec les frontières refermées, quelle est la portée réelle des annonces fracassantes de juin 2018 ? On ne connaît toujours pas le contenu de l’accord signé à Jeddah entre les deux pays. Les relations économiques, le commerce transfrontalier ? Aucun accord. La démarcation de la frontière ? Même chose.
Certains analystes évoquent aujourd’hui la possibilité que le président Isayas ait d’abord accepté la main tendue d’Abiy pour jouer un mauvais tour à ses vieux concurrents de la lutte contre le Derg, c’est-à-dire les anciens tenants du pouvoir à Addis : les dirigeants tigréens.

Quant au reste : la paix au Soudan du Sud bat de l’aile, le conflit maritime Kenya-Somalie ira au tribunal, la relation Djibouti-Erythrée reste au point mort, etc. Malgré sa bonne volonté, Abiy Ahmed ne pacifiera pas la Corne de l’Afrique tout seul.

Pas d’unanimité en Éthiopie

Par ailleurs, sur le plan national, le Premier ministre issu de l’ethnie Oromo ne bénéficie pas de la même aura que dans sa diplomatie, et agace certaines franges de la population.

La vieille garde éthiopienne, d’abord, qui voit d’un mauvais oeil les réformes qu’il mène, car elles s’accompagnent d’une épuration de l’appareil d’État traditionnel.

Sur le plan économique, sa politique libérale fait arriver de nouveaux acteurs. Des privatisations ont eu lieu qui rebattent les cartes, et ne conviennent pas aux anciens détenteurs du pouvoir économique.

Plusieurs régions du pays ont des velléités autonomistes et contestent Abiy Ahmed, tout simplement parce qu’il représente le pouvoir fédéral. Et des violences intercommunautaires ont lieu, régulièrement dans le pays.
L’organisation des élections legislatives, qui doivent avoir lieu en mai prochain, sera vue comme un test pour le pouvoir d’Abiy Ahmed.

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