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Orban reçu par Macron: l’heure du grand pardon?

Emmanuel Macron déjeune ce vendredi 11 octobre Viktor Orban à déjeuner au palais de l’Élysée à Paris. C’est la première rencontre bilatérale officielle entre les dirigeants français et hongrois. Le climat a changé entre ceux qui, il y a un peu plus d’un an, s’étaient mutuellement désignés comme adversaires aux élections européennes.

Tous les deux viennent de voir leur candidat à la Commission européenne rejeté par le Parlement de Bruxelles. Deux refus inédits : le Hongrois Laszlo Trocsanyi n’a même pas pu passer une audition quand la Française Sylvie Goulard est la première candidate de son pays à essuyer une défaite. La comparaison s’arrête là : Budapest avait anticipé la rebuffade et a présenté un nouveau candidat dans la foulée, alors que pour Paris il s’agit d’un revers majeur. Ces deux camouflets coup sur coup devraient alimenter les discussions entre les dirigeants des deux pays concernés : Emmanuel Macron et Viktor Orban se retrouvent autour d’un déjeuner au Palais de l’Élysée à Paris, leur première rencontre bilatérale officielle.

Un déjeuner entre deux hommes qui s’opposent politiquement mais qui se sont retrouvés à défendre le même choix pour la présidence de la Commission européenne : celui de l’Allemande Ursula Von Der Leyen. C’était en juillet dernier, lors du conseil européen qui avait accouché dans la douleur du casting des nouveaux dirigeants des institutions européennes.

« Emmanuel Macron a passé un accord avec Viktor Orban et les Polonais du PiS pour avoir leur soutien au Parlement européen afin de faire passer Ursula Von Der Leyen. C’est sa faute originelle », cingle l’eurodéputé vert David Cormand, qui dénonce les « liaisons dangereuses entre le Français et le Hongrois ».

L’Allemand Manfred Weber, le chef de file du PPE (le parti de la droite européenne), avait dénoncé un « axe Macron-Orban » pour l’empêcher de devenir président de la Commission européenne. Face à leurs opinions publiques, Paris comme Budapest avaient présenté ce choix comme une victoire.

Duel à distance

Cette séquence est apparue pour beaucoup comme surprenante au vu du déroulé de la campagne pour les élections européennes de mai dernier, au cours de laquelle Emmanuel Macron et Viktor Orban avaient installé un duel à distance basé sur deux visions politiques antagonistes. « Il y a actuellement deux camps en Europe. Emmanuel Macron est à la tête des forces politiques soutenant l’immigration. De l’autre côté, il y a nous qui voulons arrêter l’immigration illégale », avait déclaré le Premier ministre hongrois en août 2018 aux côtés de l’ancien ministre italien Matteo Salvini que Viktor Orban qualifiait alors de « héros » pour avoir fermé les ports du pays aux réfugiés. Emmanuel Macron avait aussitôt saisi l’occasion de renforcer le clivage qu’il cherchait à installer entre « nationalistes et progressistes ». « S’ils ont voulu voir en ma personne leur opposant principal, ils ont raison ! » avait lancé le chef de l’État.

À plusieurs reprises, Emmanuel Macron n’a pas retenu ses coups contre le dirigeant hongrois, qu’il a accusé de « prôner un discours de haine » ou de « mentir à son peuple » en parlant de l’Europe : « Comment vit Fidesz [le parti de Viktor Orban], qui les finance ? Qui les a payés ? Qui a fait leur carrière ? Les fonds structurels européens ! », avait-il lancé en Slovaquie le 26 octobre 2018. Le président français s’était aussi rendu en République tchèque mais avait fait l’impasse sur la Pologne et la Hongrie, espérant enfoncer un coin dans le V4, les quatre pays du groupe dit de Visegrad, dont fait partie la Hongrie. La presse hongroise pro-gouvernementale n’avait pas épargné à cette époque le président français, en l’attaquant personnellement et en développant un argumentaire conspirationniste qui le présentait notamment comme un toxicomane impopulaire élu grâce à des réseaux financiers occultes.

Realpolitik

En ce début d’automne, le temps des invectives semble révolu. Sur le compte du porte-parole du gouvernement hongrois, la photo qui illustre l’annonce du déjeuner de ce vendredi de Viktor Orban à l’Élysée présente le dirigeant serrant chaleureusement la main à Emmanuel Macron, les yeux dans les yeux. « Il n’y a jamais eu de propos insultants de la part de Viktor Orban », estime de son côté une source diplomatique française. L’heure est donc aux « compromis » et aux « rapprochements des positions » selon Paris. Autrement dit, à la realpolitik. Si Emmanuel Macron passe l’éponge, c’est que les sujets sont nombreux sur la table du prochain Conseil européen [qui réunit les 28 chefs d’États et de gouvernements de l’UE] à Bruxelles des 17 et 18 octobre. « Ce qui nous oppose n’enlève rien au fait que l’on siège autour de la même table au Conseil européen et que l’on travaille ensemble », rappelle une source diplomatique.

« Budget de l’Union européenne, climat, réforme du règlement de Dublin, il y a beaucoup de sujets où il faut l’unanimité du conseil pour avancer », explique-t-on dans le camp macroniste à Bruxelles. À cela s’ajoute, les problèmes du Brexit, de l’élargissement de l’UE ou encore des relations entre l’UE et la Chine. Mais c’est surtout le dossier de l’immigration que veut pousser Paris. À l’Élysée, on pense que le « nouveau contexte politique en Europe ouvre une fenêtre de tir » pour avancer sur un dossier au point mort. Emmanuel Macron veut connaitre les intentions de son homologue hongrois. Le président français a abandonné l’idée d’imposer des quotas de répartitions obligatoires des migrants et propose à la place l’idée d’une contribution obligatoire de chaque État à la politique migratoire.

« Pas un ennemi »

Alors qu’il a fait de l’immigration l’une de ses nouvelles priorités, le président français cherche-t-il à envoyer un message en recevant le chantre de l’immigration zéro ? « Non, il ne faut pas surinterpréter le calendrier », met en garde une source diplomatique, qui rejette l’idée d’un quelconque « rapprochement » entre le Français et le Hongrois : « Notre approche n’a pas fondamentalement changé. Tout le monde connait nos désaccords avec Viktor Orban sur les valeurs. » Mais « il n’est pas pour autant un ennemi » prend soin d’ajouter cette source.

Les ONG comme Human Rights Watch appellent Emmanuel Macron à évoquer avec Viktor Orban la question des violations de l’État de droit en Hongrie. Depuis septembre dernier le pays est sous le coup de la procédure la plus radicale contre un État membre bafouant les règles européennes. Elle peut déboucher sur une suspension de ses droits de vote. Ce qui est reproché au gouvernement hongrois ? « La corruption et les conflits d’intérêts », les atteintes au « fonctionnement du système constitutionnel et électoral », à « l’indépendance de la justice » et « aux libertés individuelles et aux droits des réfugiés ».

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