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Massacre du 28-septembre en Guinée: vers un procès?

En Guinée, les auteurs en treillis de l’attaque du 28 septembre 2009 sous la junte du capitaine Moussa Dadis Camara contre des opposants réunis dans un stade de Conakry restent toujours impunis dix ans après leurs crimes.

Le 28 septembre 2009, des éléments des forces armées guinéennes sous la junte du capitaine Moussa Dadis Camara, prenaient d’assaut un stade de Conakry, la capitale, où s’étaient réunis plusieurs milliers d’opposants. Près de 160 personnes ont alors été tuées dans l’attaque et 1 400 autres blessées tandis que plus d’une centaine de femmes ont également été violées par les soldats.

Ce déchaînement de violences et des crimes est resté impuni depuis lors. D’où cet appel lancé ce 28 septembre 2019 par la Haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme aux autorités guinéennes. Michelle Bachelet les presse d’« accélérer » l’organisation du procès tout en se disant inquiète qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires mis en accusation ne soient pas encore traduits en justice.

« Beaucoup de progrès ont été faits, déclare Patrice Vahard, le représentant du Haut-commissariat en Guinée. Mais après dix ans, c’est insuffisant aux yeux des victimes. Il est vraiment temps que les victimes soient effectivement indemnisées, qu’il y ait une date précise pour ce procès et que le procès ait lieu pour que la vérité soit dite. Mais aussi dans l’intérêt de la paix et la stabilité du développement de ce pays ».

Le ministre de la Justice évoque plusieurs préalables, notamment rassembler l’argent pour indemniser les victimes ou la rénovation de la cour d’appel. « Si la volonté y est, je ne pense pas que l’obstacle financier doit être le principal pour le report du procès, estime Patrice Vahard. Depuis l’année dernière, la question budgétaire avait été discutée. Le gouvernement a indiqué une enveloppe financière pour la tenue ou au moins le démarrage des travaux. Peut-être que cela ne suffira pas pour avoir le tout, mais la communauté internationale aussi s’est dit prête à faire un accompagnement financier. La finance ne doit pas être un frein à la manifestation de la vérité ».

« Le procès n’a pas commencé en réalité et c’est déplorable, poursuit-il. Si les citoyens doivent côtoyer des personnes sur lesquelles pèsent des suspicions assez fortes, ce n’est bien ni pour ces fonctionnaires, ni pour la population. Cela envoie le signal que l’impunité est toujours de mise. Le message à envoyer est que nul n’est au-dessus de la loi et que tout le monde doit répondre de ses actes, surtout quand il s’agit de personnes qui ont occupé de hautes fonctions. Il est vraiment temps que le procès ait lieu et que certains des présumés auteurs qui occupent encore des fonctions fassent face à la justice ».

Rendre justice aux victimes

Dans un communiqué conjoint, les ambassades de France et des États-Unis ainsi que la délégation de l’Union européenne en Guinée soulignent également « l’importance de la tenue d’un procès sans plus tarder » afin que les auteurs présumés de ces crimes puissent répondre dans les plus brefs délais de leurs actes devant la justice. Ils réitèrent leur « engagement à coopérer étroitement avec les autorités et la justice guinéennes en vue de garantir l’organisation d’un procès transparent et équitable ».

Du côté des autorités guinéennes, le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana s’est voulu rassurant quant à la tenue du procès. Il est intervenu le 27 septembre au soir à la télévision nationale guinéenne « au nom du président de la République Alpha Condé pour d’une part présenter les condoléances de la nation » aux victimes du massacre et pour promettre que ces crimes ne resteront pas impunis.

« Pour celles et ceux de nos compatriotes qui ont vécu dans leur chair, les viols, les outrages, les sévices, les coups et blessures ou les disparitions de proches du fait notamment de ces violences qui ont endeuillé la Guinée et consterné le monde entier, je veux les rassurer de notre détermination à œuvrer pour la manifestation de la vérité et pour la lutte contre l’impunité, a-t-il déclaré. Mon gouvernement réaffirme solennellement que tous les auteurs des injustices commises à l’occasion de ces événements tragiques du stade du 28 septembre seront jugés et les victimes indemnisées à la hauteur des préjudices qui leur ont été causés ».

« Ce procès sera, nous l’espérons, et nous nous y engageons fermement, une occasion de rendre justice aux victimes, de relever concrètement le défi contre l’impunité pour construire durablement en Guinée, un modèle démocratique ancré sur les valeurs et les principes de l’état de droit », a ajouté Ibrahima Kassory Fofana.

Six organisations guinéennes et internationales de défense des droits humains dont Human Rights Watch et Amnesty International ont également dénoncé l’absence de procès des auteurs du massacre alors que « les familles attendent toujours qu’on leur rende justice ».

►À lire aussi : «Disparus», les oubliés du 28 septembre 2009 en Guinée

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