Au Sénégal, les véhicules sont âgés en moyenne d’une vingtaine d’année, deux fois plus que dans les pays développés. Classée 91ème ville la plus polluée au monde par l’Organisation mondiale de la santé, Dakar, la capitale, fait face à un trafic urbain de plus en plus dense. L’État veut développer les transports en commun, sans pour autant s’attaquer aux vieux véhicules polluants.
À la sortie des arrivées de l’aéroport Blaise-Diagne de Dakar, une rangée de Bio-Taxis attend les passagers. Des voitures dernier cri, hybrides au gaz et à l’essence, très faiblement polluantes, fabriquées au Sénégal. Les 500 véhicules, uniquement affectés au transit entre l’aérogare et la ville constituent la vitrine du gouvernement en matière de renouvellement du parc automobile, et donc de lutte contre la pollution.
Dans les rues de Dakar, ces taxis nouvelle génération sont malheureusement minoritaires. Ils ne représentent que 2% du parc des 25 000 taxis de la capitale, d’après les chiffres communiqués par le Conseil exécutif des transports urbains de la ville (CETUD). La grande majorité des voitures jaunes sont des modèles venus d’Europe, des années 1980 ou 1990. Tous partagent la route entre autres avec les cars rapides, des minibus multicolores Renault, construits dans les années 1960. Ces derniers continuent de circuler malgré plusieurs arrêtés de la préfecture de la capitale, faisant partie du paysage.
Pics de pollution à répétition
L’état des lieux ne laisse pas indifférent les habitants. « L’État n’a pas fait son boulot »contre tous ces vieux diesels, estime Aby Kamara, attendant son bus dans le quartier populaire de Yoff. Sur le rond-point, un ballet de berlines rafistolées se dispute l’accès à la voie rapide. « On voit qu’il y a beaucoup de pollution, poursuitla jeune fille. C’est dommage de vivre dans ce pays. Beaucoup de ces voitures ne devraient pas rouler. »
Les chiffres du Centre de gestion de la qualité de l’air (CGQA), centre pionnier en Afrique de l’Ouest, confirment que les pics de pollution, fréquents à partir du mois de décembre, proviennent du trafic routier. Dans l’air de la ville, toute l’année, les appareils de mesure enregistrent sept fois plus de particules fines par rapport au seuil fixé par l’OMS.
Les rues sont totalement saturées. « Il ne faut pas oublier que Dakar est une presqu’île, explique Haïdar El Ali, militant et ancien ministre de l’Écologie du Sénégal. Mais quand il n’y a pas l’air marin, cela devient irrespirable. À la fois, Dakar ne peut pas s’étendre. »
Des mesures ni incitatives ni contraignantes
L’État ne rejette pas ce constat. « Il y a une forte pression » du trafic automobile à Dakar, reconnaît Thierno Aw, directeur général du Conseil exécutif des transports urbains. D’après ses chiffres, 70% des 530 000 voitures du Sénégal sont concentrées dans la capitale.
Concernant les vieux véhicules, il n’existe pas de mesure concrète à ce stade, seulement quelques initiatives dont un programme de remplacement des cars rapides.« Il faudra prendre des mesures plus contraignantes »concède le directeur, sans avancer de calendrier ou d’agenda.
Une certitude : le gouvernement ne veut pas encourager le modèle de la voiture individuelle. « Le destin des grandes villes c’est de fonctionner avec des transports urbains de qualité, souligne Thierno Aw. L’État a pris l’option d’investir dans du transport public capacitaire », à commencer par le Train Express Régional, qui reliera Dakar à sa banlieue. La mise en service de ce train est prévue début décembre au plus tôt.
Quant aux véhicules importés, le nerf de la guerre, l’âge limite des voitures qui passent les frontières continuera d’être limité. La mesure a été prise par le gouvernement d’Abdoulaye Wade en 2003. En 2012, le président Macky Sall relève cette limite à huit ans. D’après nos informations, le gouvernement étudie l’application d’une taxe à partir de cinq ans de mise en circulation pour limiter le nombre de véhicules importés. Mais la mesure reste à l’état de projet.
L’État du Sénégal a tout intérêt à ne pas encourager l’importation et l’acquisition de nouvelles voitures : le taux de motorisation reste faible, trois Sénégalais sur 100 ont une automobile.« C’est dix fois moins que dans les pays dits développés »explique Thierno Aw. « Mieux vaut faire passer les ménages aux transports collectifs que de favoriser l’individuel : Dakar ne pourrait pas absorber un tel trafic ».
À propos de ce manque de mesures concrètes à court et à long terme, l’ancien ministre du premier gouvernement de Macky Sall, Haïdar El Ali, apparaît résigné « Nous sommes un petit pays avec pas beaucoup de moyens. Le problème, ce sont surtout ces multinationales qui nous envoient toutes ces voitures… et ces gasoils de mauvaise qualité. La planète est prise en otage, et c’est plus violent ici, au Sénégal. »