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Infrastructures en RDC: Tshisekedi pourra-t-il réaliser son programme d’urgence?

19h, au croisement du boulevard du 30 juin et de l’avenue Libération. En dépit de la présence de feux de signalisation, la circulation est bloquée. Au beau milieu du boulevard, un vaste chantier clôturé par des tôles ondulées. À l’intérieur, trois policiers, quelques ingénieurs, un tracteur et un puissant projecteur.

Aujourd’hui, ils vont travailler également la nuit. Le travail souterrain n’est pas encore terminé, près de deux mois après le lancement de ce chantier. Et cela commence à agacer les usagers de la route. « Pour moi, ce que je trouve mauvais, témoigne l’une de ces usagers, c’est qu’on fait du saute-mouton pendant beaucoup de temps, et ça nous dérange. Il faut terminer vite. »

Et ces chantiers provoquent des embouteillages monstres, comme aujourd’hui. « Le transport est devenu très difficile, explique un riverain. Certains transporteurs ont commencé à faire demi-tour et à fuir certaines lignes. On aurait dû commencer étape par étape pour éviter d’avoir trop d’embouteillages. »

Un peu plus loin, au croisement des avenues Libération et Nyangwe, c’est la même situation. « Il y a des embouteillages, il y a des motos par-ci, par-là, décrit une passante. Vraiment, c’est catastrophique. »

Entre-temps, la police annonce qu’elle va renforcer sa présence à certains carrefours pour faciliter la circulation.

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En cause : l’absence de gouvernement, le manque de moyens et l’opacité dans la gestion des projets existants

Six mois après l’accession de Félix Tshisekedi à la présidence, on est encore loin des réalisations promises, notamment en province. Ce lundi 15 juillet, le porte-parole du président avait promis une descente sur le terrain du chef de l’État à Kinshasa, où des routes devaient être réhabilitées. Il a aussi juré que les travaux qui ne seraient pas réalisés seraient remboursés par les opérateurs choisis.

Pour la présidence, l’urgence impose l’utilisation de procédures en dérogation de la loi de passation de marché. « Si on voulait des réalisations visibles dans les six mois, il fallait passer des marchés de gré à gré », explique un proche du président. Pour ce qui est des entreprises choisies, « il a fallu faire avec les acteurs déjà présents », dit-on encore dans l’entourage de Félix Tshisekedi.

Mais ce qui est à l’origine des retards enregistrés, ce serait l’absence de gouvernement, le manque de moyens financiers (ces mesures ne figurent pas dans le budget de l’État), ou même l’opacité dans la gestion des projets déjà existants. Car les travaux annoncés dans le programme d’urgence de Félix Tshisekedi sont aussi souvent des projets déjà initiés par Joseph Kabila et qui, malgré des financements, n’ont jamais vu le jour. Les opérateurs choisis sont aussi des acteurs déjà présents du temps de l’ancien président.

La Licoco craint « des détournements et des rétrocommissions »

Et pour les ONG, cela fait partie du problème : le choix d’opérateurs déjà critiqués pour leur mauvaise gestion ou même de plusieurs nouvelles sociétés créées depuis quelques mois à peine et qui n’auraient pas l’expérience ni la légitimité nécessaires pour mener des projets de plusieurs dizaines de millions. « Ce sont des éléments qui nous font redouter des détournements et des rétrocommissions », dit sans détour le président de la Ligue congolaise de lutte contre la corruption.

La Licoco promet d’enquêter sur les procédures d’attribution de marchés du programme des 100 jours et appelle la présidence à ne pas rester juge et parti en étant à la fois l’ordonnateur et le contrôleur des travaux.

Nous demandons que la présidence se désengage de la gestion des infrastructures.

Ernest Mpararo, président de la Licoco
17-07-2019 – Par Sonia Rolley

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