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Portrait: Dorcy Rugamba, dramaturge rwandais

Acteur, dramaturge et écrivain, Dorcy Rugamba a ému le Rwanda avec sa dernière pièce, « Umurinzi », présentée le 7 avril dans le cadre des commémorations du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994. Il veut en faire un opéra susceptible de tourner à travers le monde pour faire partager l'expérience de la résilience du peuple rwandais. Dans sa carrière multiforme, la violence de masse occupe une grande place, mais pas la seule.

Derrière le masque made in Rwanda, visage grave et parole posée, censés cacher les émotions, il y a un éternel jeune premier dont on devine le sourire intérieur. Par choix, Dorcy Rugamba vit « à 180 à l’heure ». Il donne à sa matière grise de quoi mouliner l’avenir, et pas seulement le passé. Embarqué dans un tourbillon de projets en tant qu’acteur, écrivain, metteur en scène et directeur du centre d’art qu’il a fondé en 2012 à Kigali, Rwanda Arts Initiative (RAI), il marche en toute conscience dans les pas de son père.

Dorcy Rugamba, en mars dans la maison familiale qui abrite Rwanda Arts Initiative. © DR

Cyprien Rugamba, l’un des écrivains, poètes et chorégraphes les plus renommés au Rwanda, dirigeait depuis longtemps un ballet traditionnel rwandais, lorsqu’il a été tué dans son jardin à Kigali, sur la colline de Kimihurura, avec la plupart des membres de sa famille, le 7 avril 1994. Le fils décrit ses parents dans un court récit, Marembo (2005), rédigé d’un trait à son retour en 1996 dans la maison familiale, vidée de ses occupants. Dans cet extrait, il évoque sa petite soeur de 7 ans : « Je suis retourné chez moi sur la colline de Kimihurura deux ans après le génocide. Les murs semblaient surpris de me voir. Le perron s’étirait comme une longue langue rouge sortant du salon, comme si la maison tout entière mimait la mort. Ce perron rouge d’où, jadis, Ginny s’élançait dans mon cou. Loin de ces briques désolées, il m’aurait suffi de fermer les yeux et sentir courir dans ma nuque sa main menue, de serrer contre moi sa frêle poitrine qui jouait du tambour sur mon coeur et vivre l’éclipse des temps. Ginny contre moi, Ginny mon pays, mon continent, là, derrière les paupières, je te love ma tendre soeur. Tu ne peux mourir, je ne peux, tu le sais, vivre sans toi. »

Comme son père, qui l’embarque à 8 ans dans sa troupe, il a ces « yeux de lion repu » au regard acéré. Mais une faim inextinguible, dont il a fait son socle, un tronc et des branches auxquelles s’accrocher – faute de s’allonger sur un divan chez les « sorciers blancs », comme les appelait James Baldwin.

Il aimerait prendre de la distance, mais l’onde de choc de 1994 le rattrape, radioactive. Au lieu de s’évanouir, elle gagne en intensité, prend une place énorme et détermine la sienne, au passage. « Le génocide, un problème des sociétés modernes, plonge dans une histoire longue dont les ramifications dépassent  le Rwanda ». Il met un temps à le formuler clairement : « Ce crash que nous avons connu a été la ruine de tous les sens, du savoir-vivre, des tabous. Il faut repartir de Ground Zero. Les mythes anciens ne sont plus opérants et les mythes fous qu�...   

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