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Iran: des relations encore timides avec l’Afrique

Quarante ans après la révolution iranienne, comment la relation de la République islamique avec l’Afrique a-t-elle évolué ? De programmes de coopération et d’appui technique dans l’agriculture, l’éducation et la médecine, Téhéran est passé à une diplomatie commerciale plus offensive ces dernières années. Ce qui n’empêche pas un trafic d’armes à destination de l’Afrique, en violation d’un embargo des Nations unies à l’encontre de l’Iran.

Le 11 février 1979, les regards du monde entier étaient braqués sur Téhéran. La radio dénommée « Voix de la Révolution » annonçait la « fin de 2 500 ans de despotisme », avec le renversement de l’Etat impérial et de la dynastie Pahlavi. Depuis, la République islamique, centre de l’islam chiite et quatrième producteur mondial de pétrole, est l’une des pièces maîtresses du jeu géopolitique au Moyen-Orient.

Ennemi d’Israël et allié de la Syrie, en conflit avec l’Arabie saoudite sur le théâtre de la guerre au Yémen, Téhéran a des relations plus que difficiles, on le sait, avec les Etats-Unis. Après la détente obtenue sous Barack Obama et la levée des sanctions américaines et internationales sur l’Iran en 2015, à la faveur d’un traité limitant drastiquement le programme nucléaire iranien, Donald Trump s’est retiré de l’accord en 2018 et a rétabli de nouveau les sanctions sévères.

Dans ce contexte, l’Afrique ne paraît guère centrale. Pourtant, la République islamique tente d’y jouer sa carte, afin de rompre son isolement international. Un vice-ministre des Affaires étrangères est en charge des affaires « arabes et africaines » à Téhéran. Il se montre plus occupé, cependant, par le premier volet de son portefeuille que le second.

Timide offensive commerciale

L’Iran se cherche néanmoins des alliés en Afrique, pour lever l’embargo des Nations unies sur les armes qui continue de peser à son encontre. D’où son offensive commerciale, marquée par plusieurs visites officielles ces dernières années. Le ministre iranien des Affaires étrangères a notamment fait en juillet 2016 une tournée dans quatre pays – Nigeria, Mali, Guinée et Ghana – pour parler d’infrastructures pétrolières et de coopération bilatérale.

Les chefs d’Etat africains, eux, ne se bousculent guère à Téhéran. Seul le président sud-africain Jacob Zuma s’y est rendu ces dernières années, en avril 2016, avec une forte délégation d’hommes d’affaires.  Son objectif : faire passer les échanges avec l’Afrique du Sud de 20 millions à 1 milliard de dollars entre 2015 et 2020. Fin 2017, un forum d’affaires Iran-Afrique du Sud s’est tenu à Pretoria, mais aucune grande annonce n’en est sortie. L’Iran reste l’un des principaux fournisseurs de pétrole à l’Afrique du Sud, mais le niveau des échanges restent faibles. Le groupe pétrolier Sasol s’est retiré en 2013 d’un projet de joint-venture pétrochimique en Iran. Seul le groupe sud-africain MTN y a développé des activités depuis 2006, en tant qu’actionnaire à 49 % d’Irancell, second opérateur cellulaire.

Rivalité religieuse avec l’Arabie saoudite

Sur le plan diplomatique, l’Iran côtoie depuis longtemps l’Afrique du Sud, l’Algérie et l’Egypte  au sein du Mouvement des non alignés. Des relations amicales ont été cultivées avec des Etats n’ayant pas de relations avec Israël, tels que le Soudan et le Mali, où une ambassade d’Iran existe depuis 1988. « Les relations se sont distendues avec le temps », estime un ancien diplomate malien en poste à Téhéran. En janvier 2017, le président du Parlement malien a bien rencontré son homologue iranien à Téhéran, pour évoquer un renforcement de liens commerciaux qui ne dépendent pas, cependant, de ce niveau de décision.

Au-delà d’Israël, c’est aussi un affrontement idéologique entre l’Iran chiite et l’Arabie Saoudite sunnite qui se joue sur le terrain africain. Dans un contexte où le courant wahhabiste est financé en Afrique par les pétrodollars émanant du Qatar et de l’Arabie Saoudite, le ministre iranien des Affaires étrangères n’hésite pas à qualifier la secte islamiste Boko Haram, qui sévit au Nigeria, de groupe « takfiri » (ennemi de l’islam). La raison ? Boko Haram se réclame d’Al-Qaeda, nébuleuse elle-même liée à l’Arabie Saoudite via la famille Ben Laden, et fortement soupçonnée d’être soutenue par Riyad.

Cette rivalité a coûté en 2016 à l’Iran l’un de ses plus sûrs alliés en Afrique : le Soudan. Khartoum a pris ses distances pour tomber dans l’escarcelle de Riyad, après l’exécution d’un dignitaire chiite en janvier 2016 par l’Arabie Saoudite, suivi par le saccage de l’ambassade saoudienne à Téhéran. « Le cas soudanais a laissé un goût amer aux élites politiques à Téhéran, analyse le chercheur Alex Vatanka pour The National Interest. Celles-ci voient dans les Etats africains des partenaires non fiables, prêts à se retourner vers le plus offrant ».

Ventes d’armes en Afrique

Le Soudan, du coup, devrait cesser d’être une plaque tournante du trafic d’armes iraniennes en Afrique. Selon un rapport sur le crime organisé en Afrique de l’Ouest, publié en 2013 par l’Office des Nations unies sur la drogue et le crime (ONUDC), les saisies d’armes et de munitions aux mains de groupes armés en Afrique de l’Ouest entre 2008 et 2011 montrent que « l’essentiel des munitions des Kalachnikov et mitrailleuses provient d’Iran, du Soudan ou de la Chine ». Une enquête menée entre 2006 et 2012 dans neuf pays sur les munitions distribuées par l’Iran a été publiée en 2012 par l’ONG britannique Conflict Armament Research (CAR). Du Kenya à la Guinée, en passant par le Soudan, le Sud-Soudan, l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Niger, le Nigeria et la Côte d’Ivoire, le rapport documente le recours aux munitions iraniennes dans 4 cas par des armées régulières et dans 10 autres par des groupes rebelles, des milices ou des groupes islamistes.

►Notre dossier sur les « 40 ans de la Révolution islamique en Iran »

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