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RDC-Beni: La capture et la commercialisation des sauterelles, un secteur en plein essor

Dans l’Est de la République Démocratique du Congo, les marchés des produits vivriers locaux sont inondés de sauterelles. Comme chaque mois de novembre, des opérateurs économiques du secteur informel investissent des milliers de dollars dans la capture et la commercialisation de ces insectes de l’ordre des orthoptères, appréciés pour leur saveur délicieuse et leur arôme appétissant.

Mardi 12 novembre 2024, nous sommes sur le Boulevard Nyamwisi. Depuis cinq heures du matin, des femmes ont envahi le tronçon entre l’Hôtel de Ville de Beni et le Marché Central de Kilokwa. Elles accourent dans tous les sens à l’arrivée des motos qui transportent des sacs emballés et attachés sur les sièges arrière.

Un business saisonnier, la commercialisation de sauterelles constitue une opportunité d’affaire pour les femmes de la ville de Beni, leur permettant de subvenir aux besoins de leurs familles. « Avec ces sauterelles, je trouve de l’argent pour scolariser mes frères, acheter leurs vêtements, payer leurs soins médicaux. Certains ont fini leurs études universitaires », nous confie Jeanne Masika, âgée d’une soixantaine d’années.

Malgré les nuits froides sans sommeil à la belle étoile, des lésions cutanées voire l’irritation des yeux causée par des lumières fortes, Jeanne Masika fait partie des nombreuses femmes qui se sont engagées de longue date dans ce commerce et qui continuent d’y investir.

« Nous ne pouvons pas abandonner malgré les difficultés. Tu le sais, nous n’accédons plus à nos champs à cause de l’insécurité causée par des groupes armés. C’est difficile de survivre dans cette ville où tout est coûteux ! », s’exclame Solange Kavugho, âgée de 35 ans.

Déplacée interne, veuve de guerre et mère de cinq enfants, Mme Kavugho a abandonné temporairement son commerce de légumes pour celui des sauterelles. « En ce mois de novembre, la population consomme plus de sauterelles que de légumes, viande ou poisson », nous confirme-t-elle.

Un marché rentable mais incertain

Comme chaque mois de novembre, des opérateurs économiques du secteur informel injectent des milliers de dollars dans la capture et la commercialisation des sauterelles.

« Le commerce des sauterelles est à la fois rentable et moins profitable. Tout dépend de la saison et de la chance. Parfois, ces insectes ne tombent pas et c’est là que nous perdons beaucoup d’argent. Calculez le prix d’un générateur, d’un alternateur, d’une lampe qui peut coûter jusqu’à cent dollars américains, des tôles, du carburant… et tout cela pour ne rien gagner », explique Michel Kambale, un investisseur dans la capture des sauterelles que nous rencontrons nuitamment dans ses installations au quartier Butanuka.

Les sauterelles sont capturées la nuit grâce à des lampes électriques puissantes montées au-dessus des constructions en tôles convergentes en forme de « V ». Attirées et aveuglées par la lumière, ces insectes, migrants d’Europe en quête de zones chaudes pendant l’hiver, glissent sur les tôles avant de finir dans des récipients préparés en aval de deux pentes de tôles.

Traditionnellement, les sauterelles sont ramassées le matin sous l’herbe arrosée. Cette approche permet de les capturer avant le lever du soleil, moment où elles deviennent plus difficiles à attraper.

« Délicieuses et riches en protéines »

De l’ordre des orthoptères, les sauterelles sont appréciées pour leur saveur délicieuse et leur arôme appétissant. En République Démocratique du Congo, les sauterelles sont consommées cuites par la majorité des habitants des montagnes de l’Est et de la savane du Sud du pays. Elles accompagnent souvent le foufou (préparé à base de farine de manioc ou de maïs) ou sont mangées seules.

« Les sauterelles sont riches en fer, en calcium et en zinc. Elles sont également riches en protéines et peuvent augmenter la libido. Toutefois, il est recommandé de bien les nettoyer avant de les cuire et de bien les frire pour éviter certains troubles alimentaires. Nous voyons des sauterelles vendues en plein air, à la merci de la poussière. Cette pratique est dangereuse, car elle peut entraîner des contaminations, notamment par des maladies liées aux mains sales », conseille Justine Mbakwiravyo, nutritionniste et diététicienne de formation.

Lire : Nord-Kivu : l’isolement des villes de Goma et Beni prorogé de 7 jours

Les sauterelles ont aussi une signification ancestrale non négligeable. Dans les traditions konzo et nande (peuples bantous vivant principalement dans le district de Kasese en Ouganda et dans les territoires de Beni et Lubero en RDC), l’octroi de sauterelles à une jeune fille est un signe de demande en mariage.

Dans tous les cas, rien ne vous empêche de goûter aux sauterelles, qui n’arrivent qu’en novembre. Allez, goûtez-en : c’est la saison des sauterelles.

Benjamin Sivanzire

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