En République Démocratique du Congo, de plus en plus d’étudiants abandonnent leurs études pour de petites activités de survie. Certains sont taximen, agents de sécurité, serveurs dans des restaurants et bars, tenanciers et tant d’autres activités génératrices de revenus.
Dieu Merci, chauffeur de taxi en ville de Goma, n’arrivait pas à gérer ses heures de cours et de travail. Âgé de 20 ans, diplômé d’Etat en commercial administratif depuis 2020, ce jeune considère les études en RD Congo comme une formalité. Pour lui, son travail est plus important que les études. Tout juste après l’obtention de son diplôme, il embrasse le monde universitaire à l’Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL).
Le coût élevé des frais académiques l’oblige à chercher un petit boulot à côté des études. Difficile pour lui de combiner les deux, c’est ainsi qu’il décide d’abandonner sa formation au profit de son boulot de chauffeur de taxi vu que ses frères aînés qui ont déjà fini leur cursus académique n’arrivent pas à avoir de travail.
« Avec le système éducatif qui prévaut, il est difficile de décrocher un emploi en rapport avec la formation académique. Raison pour laquelle j’ai pris la ferme décision de me concentrer sur mon petit boulot de chauffeur qui m’assure une indépendance financière. J’aimerai bien étudier dans de bonnes conditions sans m’inquiéter d’où proviendront les frais académiques par exemple. Avec mon travail je peux financer ma scolarité mais le problème en est que ça ne sert à rien d’étudier sachant qu’après mes études j’aurais du mal à décrocher un travail parce que je ne suis pas un enfant d’une personnalité connue. C’est ça le plus grand danger que je crains » ; explique le jeune Dieu Merci.
Comme Dieu Merci, Bernadette Kavira a elle aussi abandonné ses études pour un travail de serveuse dans un bar. Bernadette estime qu’elle n’a aucune garantie qu’elle sera embauchée dans une structure après ses études. Raison pour laquelle elle profite de sa petite occupation tout en espérant trouver mieux les jours à venir. Elle qui se voyait médecin, s’éloigne chaque jour de son rêve d’enfant.
« Je rêvais de devenir médecin. Quand j’étais petite c’était l’unique profession qui me passait par la tête. Aujourd’hui, chaque jour lorsque j’arrive à mon boulot, j’ai comme l’impression que la vie que je mène n’est pas la mienne. Nous vivons dans un pays où les compétences professionnelles sont rarement prises en compte. Nos parents investissent dans notre formation académique pour qu’une fois après qu’elle soit à terme, à notre tour, nous prenions soin d’eux. Moi qui suis un enfant de pauvre, j’ai peur de perdre sept années d’études pour rien ; en misant uniquement sur la chance » ; s’inquiète Kavira.
Etudes et travail, c’est possible!
Alexis Ndayambaje, finaliste en deuxième année de licence en communication des organisations à l’Université de Goma (UNIGOM) pense différemment. Pour lui, c’est possible de combiner études et travail. Il travaille depuis sa deuxième année de graduat comme agent de sécurité et arrive à combiner les deux occupations. Cela fait quatre ans qu’il étudie tout en travaillant. Ce jeune étudiant trouve que l’unique inconvénient est qu’il est difficile pour lui de suivre un cours du début à la fin.
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« Mon travail impacte négativement sur ma formation académique,il n’est pas facile d’étudier et travailler en même temps. Il y a toujours un décalage entre le temps d’étudier et de travailler. Parfois, je rate certains cours qui sont très importants dans mon parcours parce qu’il est difficile d’esquiver le travail tous les jours ».
Tout de même, Alexis est convaincu que chaque étudiant qui a un objectif à atteindre après l’université doit trouver un moyen d’y parvenir. Passionné de communication politique et des entreprises, Alexis est sûr qu’il décrochera un bon travail après ses études. C’est ainsi qu’il estime qu’il n’est pas du tout bon d’abandonner les études pour un petit travail. Il conseille à ses camarades et à tous les jeunes étudiants de ne pas utiliser ce prétexte pour abandonner les études. C’est grâce à son travail qu’il arrive à payer les frais académiques et il s’en sort très bien.
« Pour finir ses études il faut payer et pour payer, il faut travailler. Comme c’est l’objectif que nous nous sommes fixé, nous donnons tous les moyens pour mener les deux à la fois… Les études nous donnent une qualification professionnelle. En tant que jeunes, nous sommes à la quête de la connaissance et nous ne pouvons la trouver qu’au banc de l’école. Raison pour laquelle travailler c’est bien mais dans ce monde actuel sans qualification académique nous serons toujours bloqués quelque part » ; explique Ndayambaje.
Un danger qui guette la jeunesse congolaise
Si de plus en plus de jeunes abandonnent les études, la situation risque de s’aggraver. Le taux de chômage étant l’une des causes, plusieurs jeunes vont à l’université juste par formalité. Malgré le besoin de la création d’emploi pour les jeunes diplômés qui s’avère très urgent présentement, la classe estudiantine représente l’avenir du pays, estime madame Zawadi Jäel, vice-présidente de la Représentation des Étudiants du Congo (REC). Elle demande aux étudiants de bien se concentrer sur leurs études malgré leurs petites activités.
« Nous sommes appelés en tant qu’étudiants à suivre le processus. C’est nous qui sommes l’avenir de demain. Cela n’exclut pas que nous puissions entreprendre, mais cela ne doit pas nous amener à arrêter les études. Si on veut entreprendre, il faut faire de son mieux pour combiner les deux et que cela ne puisse pas avoir de conséquences sur les études… Le Congo a beaucoup de difficultés qu’on doit résoudre et ce n’est pas en fuyant les études qu’on va y arriver » ; souligne Zawadi.
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Augustin Sadiki