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ECONOMIE

Burundi : le commerce à Gatumba freiné par la guerre en RDC

Depuis l’intensification du conflit dans l’est de la RDC en février dernier, notamment après la prise de Goma et Bukavu par les rebelles de l’AFC-M23, les activités économiques à Gatumba, zone frontalière à l’ouest du Burundi avec la RDC, sont fortement ralenties. Le commerce et le transport y sont particulièrement impactés. Les habitants de cette région, proche d’Uvira en RDC, aspirent avant tout au retour de la paix dans ce pays voisin.

Depuis l’escalade du conflit dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) en février 2025, marquée par la prise des villes stratégiques de Goma et Bukavu par les rebelles de l’AFC-M23, l’économie locale de Gatumba, une zone frontalière située à l’ouest du Burundi, est en chute libre. La route nationale numéro 4, reliant Gatumba à Bujumbura et à Uvira, ville frontalière de la RDC, est un axe commercial vital pour de nombreuses familles burundaises.

Cependant, les affrontements dans la région ont gravement perturbé les échanges transfrontaliers, affectant particulièrement le commerce et le transport, qui constituent les principales sources de revenus pour les habitants de cette zone. Chantal Nahimana, une coursière à vélo opérant sur l’axe Bujumbura-Uvira, incarne les difficultés auxquelles font face ces travailleurs.

Vivant avec un handicap, elle témoigne des conséquences dévastatrices du conflit sur son activité et celle de ses collègues. « Mon travail consiste à transporter des marchandises vers la RDC : de la farine, de l’eau, des jus, du sucre, et parfois d’autres produits de première nécessité. Avant la guerre, je pouvais effectuer jusqu’à trois allers-retours par jour, ce qui me permettait de subvenir aux besoins de ma famille. Mais depuis l’intensification du conflit, tout a changé », explique-t-elle avec amertume.

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Selon Mme Nahimana, la clientèle, majoritairement composée de commerçants congolais et de petits revendeurs, s’est drastiquement réduite. La peur des violences, les restrictions de mouvement et l’insécurité croissante dans l’est de la RDC ont conduit à une baisse significative de la demande.

Paralysie du commerce transfrontalier 

En dehors du secteur des transports, les commerçants locaux de Gatumba déplorent une chute drastique de leurs revenus due à l’absence des clients congolais. Selon eux, ces derniers temps, les journées de « ville morte » et les manifestations organisées à Uvira, ville frontalière de la République Démocratique du Congo (RDC), ont paralysé les affaires sur la route nationale numéro 4 reliant Gatumba à Uvira.

Emmanuel Sadiki, bouché à Gatumba, exprime son regret face aux pertes subies pendant ces périodes de troubles à Uvira. Il explique que la majorité de ses clients sont des Congolais qui traversent quotidiennement la frontière Kamvimvira-Gatumba pour faire leurs achats au Burundi.

« Nous constatons une réduction considérable de la clientèle à cause des conflits signalés dans ce pays voisin. Les gens ne viennent plus en grand nombre à cause de la guerre. Avant, les Congolais arrivaient en masse et achetaient beaucoup de produits, mais maintenant, ils ne viennent qu’au compte-gouttes. Seuls ceux qui vivent près de la frontière continuent de venir. Les clients venant de l’intérieur du pays ont disparu », confie M. Sadiki.

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Le conflit dans l’est de la RDC affecte également les commerçantes transfrontalières qui s’approvisionnent au Burundi. Ces dernières rencontrent des difficultés pour rentrer chez elles, souvent sous la menace des coups de feu, en plus de faire face à une pénurie de clients, les habitants restant cloîtrés chez eux par peur des violences.

Espérance Mariam, une vendeuse de légumes congolaise qui se ravitaille à Gatumba, témoigne des obstacles qu’elle rencontre pour regagner la RDC.

« Nous venons du Congo pour acheter des légumes au Burundi. Dieu merci, nous les trouvons souvent et nous les revendons chez nous. Mais le principal défi est le manque de clients. Nous sommes obligées de faire du commerce ambulant. Parfois, nous nous réveillons sous les coups de feu : soit nous venons au Burundi, soit nous restons chez nous. À notre retour, c’est la même chose, les balles sifflent, et nous devons choisir entre rentrer ou rester bloquées », explique-t-elle.

Paix et stabilité, clés du commerce transfrontalier 

La zone de Gatumba représente l’un des poumons économiques du Burundi, ses activités contribuant significativement aux recettes fiscales nationales. Cependant, les commerçants locaux soulignent leur besoin urgent d’un soutien financier et d’une paix durable des deux côtés de la frontière pour exercer pleinement leurs activités, témoigne une coursière à vélo opérant sur l’axe Bujumbura-Uvira.

Selon elle, « Ce que je recommanderais aux autorités, c’est de reconnaître que, comme au Congo, nous luttons pour survivre. Un appui financier allégerait notre fardeau et garantirait la stabilité économique de nos familles. Mais surtout, la paix est essentielle pour nos activités. Dans un climat d’insécurité, pensez-vous que je puisse m’aventurer ? Avec mon handicap, je ne peux même pas courir. Si je tombe, je n’ai aucun moyen de me relever. Ceux qui passent après moi me piétineraient pour avancer. Ne voyez-vous pas à quel point la paix est cruciale ? C’est grâce à la paix que nous pouvons descendre dans la rue pour chercher de quoi subsister. »

Selon les statistiques de l’Office Burundais des Recettes (OBR) pour le quatrième trimestre 2023, plus de 89 % des exportations du Burundi vers les pays d’Afrique centrale étaient destinées à la RDC, faisant de ce pays un marché clé pour les produits burundais. Par ailleurs, de nombreux commerçants burundais, notamment les vendeurs de pagnes, s’approvisionnent en RDC, illustrant l’importance des échanges transfrontaliers pour l’économie locale.

Freddy Bin Sengi

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